Bruxelles, le 26 novembre 2025
Note à l’attention de M. Piotr Serafin
Commissaire en charge du budget, de la lutte contre la fraude et de l’administration publique
Objet : Préoccupations et retards dans la mise en œuvre de la décision de la Commission du 12 décembre 2023 relative à la prévention et à la lutte contre le harcèlement psychologique et sexuel dans les agences de régulation et les JUs
Situation alarmante au sein de F4E et mission du CCC du 7 novembre
Référence : – Notre note du 5 mars 2025 à votre attention
– Votre note du 15 avril 2025 à mon attention
1. Notre note du 5 mars 2025 à votre attention
Dans notre lettre du 5 mars (link) , nous avons attiré votre attention sur les préoccupations majeures et les retards persistants rencontrés par les agences de régulation et les JUs dans la mise en œuvre de la décision de la Commission du 12 décembre 2023 (« la décision ») relative à la prévention et à la lutte contre le harcèlement psychologique et sexuel.
Nous avons souligné que, bien que nous apprécions la patience et les efforts de nos collègues de la DG HR dans le cadre des discussions difficiles et fastidieuses menées dans le respect de la procédure prévue à l’article 110 du statut, il reste inacceptable que ce processus d’adoption ne soit toujours pas abouti deux ans après l’adoption de la décision initiale.
Nous avons également souligné que nous étions néanmoins rassurés que toute tentative de contourner ou d’affaiblir la décision serait finalement écartée, puisque, en vertu de l’article 110, vous avez la responsabilité finale d’approuver ou de rejeter les modifications proposées.
À cette occasion, nous avons une nouvelle fois souligné la gravité de la crise dans laquelle F4E est plongée depuis bien trop longtemps, une crise qui nécessite, dans le cadre de la gouvernance renforcée décidée par la Commission, votre attention particulière et celle du commissaire Jørgensen.
2. Votre note du 15 avril 2025 à mon attention
Nous vous remercions chaleureusement de votre réponse ( link )
Nous avons été très satisfaits de constater votre engagement clair à assurer les mêmes protections et garanties, dont bénéficie le personnel de la Commission, pour le personnel travaillant dans les agences décentralisées et les JUs en vertu de la nouvelle décision, en particulier en ce qui concerne le rôle du conseiller confidentiel en chef indépendant (CCC).
Nous avons particulièrement apprécié votre « engagement à fournir un soutien continu de la Commission à F4E et à d’autres agences dans des situations particulièrement difficiles ».
3. Mission du CCC à F4E le 7 novembre – première mission de ce type jamais menée dans une agence décentralisée ou une JUs
À cet égard, nos collègues de F4E et nous-mêmes avons été ravis de voir que vos engagements ont été directement mis en œuvre — et nous vous en sommes sincèrement reconnaissants — lorsque la CCC de la Commission s’est rendu à F4E ce 7 novembre pour rencontrer le personnel et la direction.
Les réactions extrêmement positives du personnel de F4E confirment une vérité évidente : comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, l’intervention de la CCC était urgente et indispensable.
La confiance du personnel dans les mécanismes internes de traitement des cas de harcèlement de F4E n’était pas seulement ébranlée, elle s’était complètement effondrée.
Les procédures étaient largement perçues comme manquant d’impartialité, de diligence et de sécurité juridique. Beaucoup s’abstenaient de déposer plainte, et ceux qui le faisaient le regrettaient souvent en raison de l’absence d’un suivi significatif.
Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, seul un mécanisme externe, indépendant et solide pouvait rétablir un niveau de confiance minimal.
Le CCC offre désormais ce point d’ancrage indispensable au personnel de F4E et nous vous sommes sincèrement reconnaissants d’avoir permis d’aboutir à ce résultat.
D’une part, comme en témoigne son rapport d’activité annuel récemment publié[2] , la CCC est désormais incontestablement devenue le point de référence central et le moteur du cadre renforcé de la Commission pour prévenir et combattre toutes les formes de harcèlement. En effet, 444 collègues ont fait appel à ses services pour obtenir de l’aide.
Ce résultat très positif confirme de manière convaincante la sagesse et la clairvoyance qui ont présidé à la proposition de créer cette fonction – une proposition que nous avons avancée avec nos collègues du Harassment Watch Network – en s’appuyant sur l’expérience positive reconnue de la Banque mondiale et sur l’expertise de l’équipe multidisciplinaire de spécialistes de haut niveau mobilisée par R&D fédéral, le principal syndicat des fonctionnaires européens.
C’est également grâce au soutien de ces experts que nous avons pu non seulement défendre avec succès les victimes de harcèlement, de violence au travail et de management toxique dans le cadre des enquêtes de l’OLAF et de l’IDOC au sein des institutions européennes, des agences et des JUs, mais aussi d’organiser de nombreuses conférences et webinaires[ — y compris à F4E — dont le double objectif est de sensibiliser aux défaillances de la politique actuelle et de présenter des propositions bien étayées pour enfin mettre en place une véritable politique globale de prévention des risques professionnels.
Conférences organisées par R&D sur le harcèlement, le management pathogène et la prévention des risques psychosociaux
- RPS et QVT, de quoi parlons-nous? + Présentation
- Pourquoi le travail peut-il nous rendre malade? + Retranscription
- Ne pas pouvoir faire son travail correctement, quelles conséquences? + Présentation
- Les conséquences de l’hyper connectivité + Présentation
- Les nouvelles organisations de travail + Présentation
- Le management pathogène, de quoi parlons-nous? + Présentation + Techniques de management pathogènes
- Harcèlement moral, de quoi parlons-nous? Présentation
- Harcèlement moral institutionnel: lorsque l’organisation du travail et le management pathogène poussent la victime à l’extrême + Présentation EN
- Le burnout, de quoi parlons-nous? + Présentation + Test de propagation du Burn out
D’autre part, le fait que la première mission de la CCC dans une agence décentralisée ou une JUs ait eu lieu à F4E, avant même l’adoption formelle de la décision, envoie un message clair et sans ambiguïté : la situation à F4E a atteint un niveau de gravité qui ne peut plus être minimisé, nié ou dissimulé.
Il est désormais tout aussi important que la CCC puisse également se rendre dans d’autres agences et JUs.
4. Déclarations du directeur de F4E à Politico
Nous avons pris note des récentes déclarations du directeur de F4E en réaction à l’article de Politico intitulé « Fear and Loathing at a Barcelona-based Agency – De mal en pis », dans lequel il affirmait avoir « discuté des résultats du PulseSurvey avec le personnel et présenté des mesures visant notamment à renforcer la formation, à lancer un examen indépendant de la politique anti-harcèlement de l’agence et à inviter la conseillère confidentielle en chef de la Commission, Lene Naesager CCC, sur ce site ».
Les déclarations ont été bien notées et vivement accueillies.
Cependant, il est profondément troublant de constater que plusieurs années après le suicide tragique de notre collègue, et après des années de proclamations auto-congratulatoires de « tolérance zéro » et de « procédures exemplaires », F4E continue d’afficher des résultats catastrophiques dans le Pulse Survey :
- 77 % de conflits interpersonnels
- 9,9 % de violence psychologique
- 7,3 % de harcèlement sexuel
- 4,7 % de violence physique
De plus, annoncer des discussions sur ces résultats tout en refusant toujours de fournir les données au niveau des départements, que nous avons dûment demandées, est tout simplement incompatible avec la transparence revendiquée à maintes reprises. Comme le confirment les experts, ces données désagrégées sont essentielles pour identifier les risques et appliquer des mesures correctives ciblées.
Il est tout aussi troublant que les discussions continuent de porter sur la mise en place de formations d’urgence et sur une nouvelle « évaluation indépendante » d’une politique longtemps décrite comme irréprochable.
Cependant, chez F4E, ce ne sont pas les procédures qui échouent, c’est le refus de les appliquer. Sans volonté d’agir, même les meilleures garanties ne sont que des mots sur du papier.
Nous reconnaissons néanmoins volontiers que F4E reconnaît enfin la gravité des défaillances que nous dénonçons depuis des années, une gravité qui était auparavant niée en affirmant que nos analyses étaient totalement infondées et reposaient uniquement sur une « idée reçue ».
Cependant, des années de défaillances, d’interprétations douteuses, de retards systématiques, de résultats d’enquêtes ignorés – y compris les pires niveaux de méfiance envers la haute direction jamais enregistrés dans une institution européenne –, de lacunes chroniques dans la protection des victimes, d’interminables enquêtes internes, de mépris affiché pour les conclusions d’enquêtes externes et d’appels répétés à « protéger la crédibilité institutionnelle de F4E » comme prétexte pour imposer une loi du silence ne peuvent être balayés par des déclarations publiées si tardivement, aussi soigneusement rédigées soient-elles.
Le rétablissement de la confiance et de la crédibilité n’est pas un exercice de communication avec des positions qui peuvent être entièrement modifiées en fonction de ce qui convient à un moment donné. Il nécessite un leadership, de la responsabilité, de la transparence et une gouvernance efficace.
La confiance ne se rétablit pas par le ton. Elle ne se rétablit que par des actions efficaces.
5. Ce que F4E aurait dû faire concernant la mise en œuvre de la décision — et a refusé de faire
À cet égard, nous nous attendions que le directeur de F4E, faisant enfin preuve d’un véritable leadership par l’exemple, pleinement conscient de la gravité de la situation et suivant l’exemple clair et louable donné par les directeurs des agences exécutives, prenne immédiatement l’initiative de demander l’application mutatis mutandis de la décision et demande officiellement à la Commission d’accorder au personnel de F4E un accès immédiat au CCC de la Commission, quelle que soit la position adoptée par les autres agences et les JUs.
Une telle initiative, bien au-delà des slogans habituels et des exercices d’autosatisfaction encore plus fréquents, aurait constitué un signal clair et sans équivoque d’un véritable changement culturel au sein de F4E et aurait pu contribuer de manière significative à restaurer la confiance du personnel. Cela ne s’est pas produit.
Au lieu de cela, F4E a choisi de résister, de coordonner l’opposition entre les agences, de déformer les opinions des représentants du personnel et de s’accrocher à des affirmations sur l’« excellence » de ses procédures et à un discours de « tolérance zéro » désormais définitivement réfuté, allant même jusqu’à nous accuser de « ne pas comprendre les aspects juridiques de la procédure d’adoption ». Ce n’était pas une insulte à notre égard, mais simplement une insulte à la raison.
Il convient de souligner que, pour R&D, l’objectif n’a jamais été de simplement « exporter » vers les agences et les JUs une décision négociée dans le vide, déconnectée des réalités dans lesquelles travaillent leurs collègues et des réelles difficultés auxquelles ils sont confrontés. Dès le début, lors de la rédaction de nos propositions et tout au long du processus de négociation, nous avons délibérément intégré les contributions et les préoccupations soulevées par nos collègues des agences et des entreprises communes, et nous avons fondé nos positions sur les dures leçons tirées des affaires que nous avons défendues, y compris les plus emblématiques et les plus troublantes chez F4E. Nous avons toujours souligné que, en matière de prévention et de lutte contre toutes formes de harcèlement, la Commission doit veiller à ce que le personnel des agences exécutives et décentralisées et des JUs bénéficie exactement du MÊME soutien et du MÊME niveau élevé de protection, de la MÊME qualité et efficacité des procédures, ainsi que de la MÊME compétence et indépendance des enquêteurs chargés de traiter ces affaires.
Les affirmations répétées, totalement infondées et franchement indéfendables, selon lesquelles l’application de la décision entraînerait la suppression des personnes de confiance (PC) étaient particulièrement alarmantes ! Cette affirmation va à l’encontre de la décision elle-même, qui fait référence aux PC à 69 reprises, renforce leur indépendance et les place sous la coordination du CCC. Plus troublant encore, cette fiction a continué à être soutenue même après que la Commission, dans le cadre de la mise en œuvre de la décision, ait nommé ses 25 PC.
Cette position absurde – juridiquement infondée, institutionnellement incohérente et parfois dépourvue du sens élémentaire de la décence – adoptée et activement diffusée par F4E dans l’intention claire de rallier d’autres agences et JUs contre la mise en œuvre de la décision, nous a obligés à organiser des webinaires dédiés et à répondre à un nombre impressionnant de questions et de préoccupations de la part de collègues et de représentants du personnel qui cherchaient à obtenir l’assurance que les PC seraient effectivement maintenus.
Au final, F4E prétend aujourd’hui avoir soutenu la décision dès le début. La chronologie des événements permet à chacun d’évaluer cette affirmation pour ce qu’elle est réellement.
Elle illustre de manière éloquente une culture de gouvernance autoréférentielle qui échappe systématiquement à toute responsabilité, qui réécrit continuellement l’histoire et se présente comme infailliblement du côté de la raison, tout en distribuant librement des critiques, des pressions et des allégations infondées à tout le monde sauf à elle-même.
6. La crise de F4E est avant tout un problème de gouvernance
Nos demandes de soutien auprès de la Commission ont été présentées et vivement critiquées comme des tentatives visant à placer F4E sous « une supervision inacceptable et constante de la Commission ».
En réalité, c’est le refus de F4E de mettre en œuvre la décision qui l’a placée sous surveillance, rien d’autre.
En effet, seules des améliorations réelles, mesurables et irréversibles en matière de gouvernance, de responsabilité managériale et de culture institutionnelle permettront à F4E de sortir d’une crise qui dure depuis bien trop longtemps.
Comme nous l’avons toujours soutenu, la crise de F4E découle d’un modèle de gouvernance qui s’est révélé structurellement inadéquat et mal mis en œuvre, une crise qui dépasse clairement les capacités de la direction de F4E et de la DG ENER, en tant que DG mère, à résoudre, malgré l’implication très appréciée de M. Garribba en tant que représentant de la Commission au conseil d’administration de F4E.
Il est désormais essentiel de renforcer de manière visible les efforts des services centraux de notre institution afin de résoudre enfin une crise qui dure depuis bien trop longtemps.
Nous comptons donc sur vous pour faire en sorte que la mission du CCC au sein de F4E ne soit ni la fin, ni le début de la fin, mais seulement la fin du début.
Conclusion
(1) Adoption rapide de la décision anti-harcèlement par les agences et les JUs
Tout d’abord, nous vous remercions une fois de plus de l’attention que vous portez à nos préoccupations et nous faisons appel à votre impulsion politique pour que les discussions en cours sur l’article 110 soient conclues sans plus tarder, afin que nos collègues des agences et des JUs puissent bénéficier de la protection qu’ils méritent, y compris la possibilité, comme c’est désormais le cas pour le personnel de F4E, de compter sur l’aide et la protection du CCC.
Telles sont les demandes du personnel concerné demande y compris qu’elles vous soient transmises.
(2) L’enjeu concerne également la réputation et la crédibilité externe de F4E et, par extension, de la Commission.
Deuxièmement, le changement urgent qui s’impose au niveau de la gestion et du fonctionnement de F4E, qui ne peut se faire que grâce à votre impulsion politique et à celle du commissaire Jørgensen, va au-delà de la protection essentielle du personnel et du respect des droits individuels, aussi essentiels soient-ils.
Le personnel et les citoyens de l’UE veulent et méritent que F4E soit forte et crédible, capable non seulement de mener à bien ses missions actuelles cruciales, mais aussi d’aller au-delà de son mandat actuel.
L’enjeu est le suivant :
- la crédibilité institutionnelle de F4E,
- la crédibilité plus large de la Commission,
- la confiance dans la capacité de F4E à remplir sa mission essentielle, en particulier en ce qui concerne ITER,
- et son rôle futur dans la stratégie de l’Union en matière de fusion.
Une organisation assumant des responsabilités aussi importantes, et qui cherche à juste titre à les étendre, doit EN PREMIER LIEU faire preuve d’une gouvernance exemplaire, à tout moment et à tous égards.
Rien de moins n’est acceptable.
(3) Renforcer la gouvernance de la Commission vis-à-vis des agences et des JUs et rendre plus efficace la procédure prévue à l’article 110
Troisièmement, la crise toujours non résolue de F4E et les discussions interminables sur l’adoption de la décision, malgré les efforts louables des collègues de la DG HR, démontrent la nécessité de renforcer :
- l’efficacité de la procédure prévue à l’article 110,
- le rôle de gouvernance de la Commission vis-à-vis des agences et des entreprises communes, ainsi que la visibilité, la rapidité et l’efficacité du soutien apporté par les services centraux de la Commission aux DG de tutelle.
Plus jamais « ni trop peu, ni trop tard ».
La réforme de la gouvernance actuelle doit garantir que les crises majeures, telles que celle qui touche depuis longtemps F4E, soient traitées immédiatement et résolument par les DG de tutelle et les services centraux de la Commission.
Tout manquement à cette obligation fait peser une charge intolérable sur le personnel et porte atteinte de manière durable à la confiance et à la réputation que l’institution a le devoir de préserver tant en interne qu’en externe, atteinte qui, une fois causée, est extrêmement difficile à réparer.
Nous sommes convaincus que ces préoccupations seront dûment prises en compte et que des propositions concrètes émergeront du groupe de travail sur les offices et agences présidé par Mme Rouche. Dans la mesure où l’objectif est d’atteindre des objectifs communs avec le personnel, la présence de ses représentants au sein du groupe de travail ne peut être que bénéfique.
Cristiano Sebastiani,
Président
Copie :
M. B. Seibert, chef de cabinet du président
M. D. Jørgensen, commissaire à l’énergie et au logement
M. G. Radziejewski, chef de cabinet ; Mme A. Carrero, membre du cabinet du commissaire Serafin
M. M. Engell-Rossen, chef de cabinet du commissaire Jørgensen
Mme L. Naesager, conseillère principale confidentielle
Mme I. Juhansone, secrétaire générale ; M. P. Leardini, secrétaire général adjoint
M. S. Quest, directeur général de la DG HR ; M. C. Roques, directeur général adjoint ; M. C. Linder, directeur F ; Mme M. Silva Mendes, M. L. Duluc – DG HR
Mme D. Juul-Joergensen, directrice générale de la DG ENER ; M. M. Coppola, DG ENER
M. M. Garribba, directeur général adjoint – DG ENER et représentant de la Commission au sein du conseil d’administration de F4E
Mme P. Rouch, responsable du groupe de travail sur les offices et agences,
M. Lachaise, directeur de Fusion for Energy (F4E)
Réseau de surveillance du harcèlement
M. A. Katsogiannis, CSC
AASC
Personnel
[4] POLITICO Brussels Playbook, 14 novembre 2025 DOSSIERS RH




