Bruxelles, le 15 juin 2020

Note à l’attention de M. Gianluca Brunetti

Secrétaire général du Comité Economique et Social Européen

Objet : Décision du 10 juin dernier du bureau du CESE concernant les cas avérés de harcèlement et d’autres cas de comportements inappropriés
Réf : Ma note du 15 mai 2020 concernant la Décision du 14 mai dernier du PE refusant la Décharge 2018 au CESE, suite au rapport de l’audition de l’OLAF faisant état de plusieurs cas avérés de harcèlement et d’autres comportements inappropriés au sein du CESE (/fr/2020/05/harcelement-au-cese-rd-la-denonce-lolaf-la-confirme-le-pe-refuse-la-decharge-2018-au-cese-du-jamais-vu/ )
  Ma note du 3 mars 2020 concernant le refus de la Commission de Contrôle Budgétaire du PE (CONT) d’adopter la Décharge 2018 au CESE, suite à l’audition in camera du Directeur général de l’OLAF au sujet du rapport faisant état de cas avérés de harcèlement et d’autres comportements inappropriés au sein du CESE (/fr/2020/03/cese-refus-de-la-commission-de-controle-budgetaire-du-pe-cont/)
  Ma note du 11 février 2020 suite à votre message du 3 février 2020 concernant des cas de harcèlement au CESE et la liste des questions que nous soumettons à votre appréciation  (/fr/2020/02/cas-de-harcelement-au-cese/)
  Ma note du 28 janvier 2020 : (www.renouveau-democratie.eu/fr/2020/01/rapport-de-lolaf-constatant-plusieurs-cas-averes-de-harcelement-moral-au-comite-economique-et-social-cese/
  Ma note du 13 mai 2019  (/fr/2019/05/nouvel-organigramme-du-cese-note-a-lattention-de-m-luca-jahier/ )
  Ma note du 12 avril  2019  (/fr/2019/04/note-a-lattention-de-m-luca-jahier/
  Ma note du 12 février 2019  ( /fr/2019/02/note-a-lattention-de-mm-jahier-et-brunetti-harcelement-au-cese/ )
  Ma note du 17 décembre 2018 (/fr/2018/12/note-a-lattention-de-m-brunetti-gestion-des-cas-de-harcelement-au-sein-du-cese/ )
  Ma note du 26 novembre 2018 : ( /fr/2018/11/absence-dune-veritable-politique-de-gestion-des-cas-de-harcelement-au-sein-des-institutions/ )

La décision du 10 juin du Bureau du CESE

Comme relaté par la presse (Politico https://www.politico.eu/article/eesc-suspends-group-president-after-psychological-harassment-probe/), lors de sa réunion du 10 juin dernier,  le Bureau du CESE a pris une décision historique.

En effet, le Bureau du CESE:

  • demande à M. Jacek Krawczyk, Président du groupe des Employeurs, de:

· se retirer de toutes ses responsabilités de gestion du personnel;

· retirer sa candidature à la présidence du CESE;

· se retirer de son poste en tant que Président de son groupe ;

  • vous donne mandat en tant que Secrétaire général de poursuivre les démarches nécessaires pour que le Comité se constitue en partie civile contre M. Jacek Krawczyk.

Le vote a été obtenu à une très large majorité (21 voix pour, 4 voix contre, 1 abstention et un vote invalide).

Après l’enquête OLAF et le refus de décharge du PE, le CESE confirme, ENFIN à son tour, la gravité des faits dénoncés par R&: plus que jamais… mieux vaut tard que jamais

D’une part, R&D qui a dénoncé ouvertement les faits à l’origine de ces décisions et ayant défendu les collègues qui en ont été victimes, s’en félicite.

D’autre part, nous tenons une nouvelle fois à rendre hommage aux services de l’OLAF pour la gestion irréprochable de ces investigations mais aussi pour l’accueil très respectueux et l’écoute attentive réservés aux victimes qui ont déposé plainte et aux collègues qui ont été appelés à témoigner. L’accueil et l’écoute qu’elles n’avaient pas, de toute évidence, pu obtenir de l’administration du CESE.

« L’affaire CESE » doit servir d’enseignement à toutes les institutions

En effet, cette affaire confirme la nécessité et l’urgence de mettre en place de véritables politiques et procédures en matière de lutte contre le harcèlement.

Il faut commencer par abandonner les slogans vides et la prétendue « tolérance zéro » qui trop souvent se soldent par la politique des « yeux fermés », de la « tolérance 100% de dérapages » notamment lorsque ce sont des membres de l’encadrement à s’en rendre responsables et, hélas, la politique de « protection 0% des victimes »…

Rappel des faits

Rappelons que cette décision du bureau du CESE arrive après que, suite au rapport de l’OLAF faisant état de treize cas avérés de harcèlement et d’autres comportements inappropriés, la Commission CONT du PE avait proposé de refuser la décharge 2018 au CESE, et que le 14 mai dernier le Parlement européen a adopté à une écrasante majorité cette décision.

Comme je vous l’ai indiqué dans ma dernière note à votre attention, restée à ce jour sans réponse, il s’agit là d’un véritable précédent, d’une portée sans pareil.

C’est bien la première fois qu’une institution européenne, à savoir le CESE, fait l’objet :

  • de constats accablants de la part de l’OLAF concernant 13 cas (TREIZE, TREDICI, XIII) relatifs à des faits de harcèlement et autres comportements inappropriés qui ont eu lieu  pendant plusieurs années à partir de l’année 2013,
  • d’une transmission par l’OLAF à l’autorité judiciaire de l’Etat membre d’accueil de dossiers de harcèlement,
  • d’un refus de décharge par le Parlement européen, suite aux constats de l’OLAF.

La décision du bureau du CESE constitue sans nul doute un premier pas important dans la bonne direction mais BEAUCOUP RESTE ENCORE A FAIRE ET A ELUCIDER 

Reste avant tout à élucider les responsabilités des défaillances internes au CESE pouvant expliquer comment a t’il été possible que des faits si graves aient pu se produire et perdurer pendant aussi longtemps sans que l’administration ne soit capable de les prévenir, d’y mettre fin et de les sanctionner. Nous sommes en droit de vous poser cette question puisque ces faits se sont déroulés sur une assez longue période au sein d’une institution employant quelques centaines de personnes et occupant un seul bâtiment. D’autant plus, qu’à partir de 2010, vous occupiez le poste de Directeur ressources et, depuis 2018, celui de Secrétaire général.

Reste à savoir comment a t’il pu être possible, au sein du CESE, que les victimes n’aient pu obtenir ni aucune reconnaissance des préjudices subis, ni aucune véritable protection, les obligeant in fine à saisir l’OLAF avec l’assistance de R&D. 

Reste encore à fournir toutes les réponses aux questions et exigences posées par le PE dans sa décision refusant la décharge du CESE.

A cet égard, nous sommes sûrs que vous allez refuser fermement les demandes du PE et adresser au PE la même réponse outrée que vous avez réservée à nos démarches à savoir circuler il n’y a rien à voir, au CESE tout va déjà très bien en étant encore et toujours, « le fer de lance pour ce qui est de promouvoir un environnement de travail respectueux ».  Ceci sans oublier de citer les propos mémorables du Président Jahier déclarant solennellement que « Permettez-moi de vous assurer, en donnant ma parole aux membres et au personnel, que la ligne de conduite suivie par le CESE et son administration place la barre au plus haut niveau possible en matière de protection de la dignité au travail, dans le stricte  respect des principes de la Charte des droits fondamentaux de l’UE » en ajoutant comme si cela n’était pas déjà assez que « Agissant en tant que pionnier parmi les autres institutions, le Comité a continué au cours des deux dernières années à appliquer la procédure formelle et informelle prévue dans le cadre administratif interne en vue de prévenir et de traiter le harcèlement psychologique et sexuel au travail ».

En effet, nous ne pouvons pas imaginer – même pendant un seul instant – qu’après de telles prises de position ne laissant aucune marge au doute, avec le Président Jahier vous puissiez à présent être capables d’un revirement si spectaculaire vous amenant à répondre au PE que le CESE a décidé de procéder à une analyse approfondie de l’ensemble des règles et procédures d’application en matière de lutte contre le harcèlement afin d’en corriger les faiblesses – les faiblesses que vous avez toujours niées – et de mettre en œuvre les réformes – les reformes dont vous avez toujours nié le besoin.

Comment simplement imaginer que le CESE accepterait à présent notamment de :

  • mettre en place un plan d’action en matière de lutte contre le harcèlement,
  • prendre en compte à cet égard les meilleures pratiques des autres institutions et les recommandations de la Médiatrice européenne,  
  • revoir ses procédures internes pour le dépôt des plaintes de harcèlement,
  • revoir ses procédures internes pour la protection des lanceurs d’alertes,
  • créer un pool d’enquêteurs internes spécialisés et indépendants,
  • lancer un plan de formation concernant les principes éthiques,
  • mettre en place un groupe de travail paritaire en la matière,
  • créer une page intranet pour tenir le personnel informé des évolutions dans la mise en œuvre de ces mesures…

Comment simplement imaginer que vous puissiez fournir ces réponses, prendre de tels engagements et être même appelé à les mettre en œuvre, alors que: 

  • en réaction à nos démarches dénonçant les mêmes défaillances constatées par l’OLAF et formulant les mêmes requêtes que celles du PE, vous avez indiqué : « I refuse to accept your reproaches and comments, which aim at distorting the reality, causing confusion and undermining the Committee’s reputation” ;
  • vous avez toujours confirmé que vous étiez très fier des résultats obtenus grâce à la désormais légendaire stratégie de « tolérance zéro » – que nous nous permettons de vous conseiller de rebaptiser maintenant stratégie de « tolérance + 13 » – et qu’il était question « de maintenir les efforts actuels » et d’aucune manière de changer les procédures déjà en place…

Reste encore, plus, encore et toujours, à comprendre comment en réponse à des déclarations insultantes dénonçant un soi-disant « complot politique » contre sa candidature à la présidence du CESE, M. Krawczyk ait pu compter sur le silence assourdissant du CESE qui a semblé même se déguiser en son avocat « pro deo ».

En effet, M. Krawczyk bénéficie naturellement de la présomption d’innocence et il a tous les droits, la faculté et les moyens d’assurer sa défense en ayant recours aux arguments qu’il juge opportun d’invoquer.

Ses avocats, d’après la presse, contestaient déjà les propositions de sanctions, avant leur adoption, et des lobbystes n’ont pas non plus tardé à lui apporter un soutien inconditionnel. En effet, la semaine dernière et encore lundi dernier, la veille du vote, deux lettres s’indignant du traitement réservé à M. Krawczyk notamment à la signature du directeur général de Business Europe, M. Markus Beyrer, étaient adressées au Président du CESE ( Euobserver : Top lobbyist defends alleged bully set to chair EU body ).

Ce qui reste à nos yeux incompréhensible c’est qu’à aucun moment le Président Jahier ou vous-même vous n’avez jugé opportun de réagir face à ses propos insultants dénonçant un soi-disant « complot politique » organisé contre sa candidature à la présidence, en ajoutant ainsi aux victimes l’insulte à l’injure.

Et reste encore plus à comprendre comment a t’il été possible que les victimes n’aient pu compter sur la même indulgence et sollicitude ! 

C’est bien ce silence et l’inaction de la part de l’administration du CESE, ayant été incapable pendant des années de prévenir, de mettre fin et de punir les faits graves dénoncés par R&D et constatés par l’OLAF et étant à la base de la décision du PE de refuser la décharge 2018 au CESE, qui permettent maintenant à M. Krawczyk de dénoncer ce prétendu « complot politique » en prétendant que:

Þ  les allégations à son égard n’ont été mises en lumière uniquement lorsqu’il est devenu candidat à la présidence du CESE ;

Þ  pendant 16 ans en tant que membre du CESE et puis président de son groupe à aucun moment l’administration du CESE ne lui aurait adressé des reproches ou mis en cause sa gestion du personnel !

Nous continuons à espérer que le CESE sorte aussi sur ce point de son inaction et dément enfin avec fermeté ces propos.

R&D réitère sa demande de faire toute la clarté et prétend des réponses aux questions que je vous ai posées !

Afin d’élucider tous ces aspects, je m’étais permis de vous poser plusieurs questions dans ma note à votre attention en date du 15 mai dernier, restée toujours sans réponse à ce jour.

La décision du bureau du CESE fournit une réponse satisfaisante à mes questions visant à savoir si le CESE comptait « appliquer immédiatement l’article 8 de son code de conduite, notamment en lançant la procédure prévue à l’égard des personnes concernées » et celle visant à savoir « si le CESE comptait se constituer partie civile dans le cadre de la procédure en cours devant la justice belge à la suite de la transmission du rapport par l’OLAF ».  

Néanmoins, toutes les autres questions posées restent absolument d’actualité et imposent une réponse.

Dès lors, je me permets de vous les soumettre une nouvelle fois :  

1.  Quelles ont été les démarches entamées jusque-là pour assurer tout le soutien nécessaire aux victimes des faits de harcèlement ou de mauvaise conduite constatés par l’OLAF que vous avez promis et que les victimes sont en droit de prétendre du CESE ?

2.  Quelles mesures ont plus précisément été adoptées par le CESE pour rétablir les droits des victimes notamment les préjudices subis sur leur carrière ?

3.  Les victimes ont-elles toutes bénéficié d’une assistance juridique ?

4.  La procédure de révision du code de bonne conduite, a-t-elle été lancée afin notamment de prévoir les sanctions plus sévères mentionnées dans les recommandations de la Médiatrice européenne ?

5.  Quelles mesures précises ont enfin été adoptées ou sont envisagées pour assurer l’indépendance et le bon fonctionnement du Service Juridique du CESE ?

6.  Concernant la procédure de sélection du nouveau Secrétaire Général du CESE, quelles sont les mesures envisagées, tel que demandé par le PE, « assurer une transparence totale à tous les stades de la procédure (publication, sélection, nomination et entrée en fonction), sans aucune exception, comme le prévoient le règlement intérieur du Comité et le statut des fonctionnaires, afin d’éviter tout risque de réputation, non seulement pour le Comité mais pour toutes les institutions de l’Union »?

7.  Est-il vrai que la confusion administrative au sein du CESE est telle qu’eu égard aux Règles Internes de très sérieux doutes juridiques subsistent à présent concernant l’organe compètent pour gérer les suites de la décision du PE concernant la décharge 2018 en ce qui concerne notamment le partage de responsabilités entre le Président, le Bureau, le Secrétaire général et la CAF (Commission pour les affaires financières) placée sous la responsabilité de la Vice-Présidence du CESE, Mme Angelova, du Groupe I? 

8.  En particulier, est-il vrai que la CAF, chargée de gérer la procédure de décharge, se serait néanmoins refusée de traiter les questions posées par le PE concernant les cas de harcèlement et les suites à donner au rapport de l’OLAF ?  

9.  Comme mentionné par un syndicat dans une communication : est-t-il vrai que suite aux nouvelles modalités de travail à distance découlant de la crise COVID 19, le CESE aurait décidé d’octroyer à chaque membre une indemnité supplémentaire de 2000 EUR pour leurs frais informatiques s’ajoutant au montant déjà perçu, pour un montant total de 650.00 EUR ? Est-il vrai que cette indemnité serait versée même après la période de confinement ? Le CESE n’étant pas compétent pour fixer les indemnités des membres du Comité, le Conseil a t’il été informé ? Étant donné que les membres du CESE sont nommés pour représenter leurs organisations respectives, pourquoi a t’il été jugé opportun de leur verser une telle indemnité au frais du budget communautaire ?

J’espère ne pas devoir faire appel aux procédures légales d’application en la matière pour obtenir enfin une réponse de votre part.

Dans cette attente, force est d’ores et déjà de constater que le silence opposé jusque-là à nos innombrables démarches reprises sous référence constitue un cas manifeste de mauvaise administration qui n’a pas été digne des valeurs que prônent l’UE et dont le CESE prétend être aussi le dépositaire.

Contre vents et marées, n’étant nullement impressionné par le ton inutilement menaçant de vos prises de positions en réponse à nos démarches, R&D s’est battu aux côtés des collègues pour que les responsabilités soient établies et pour que les dommages occasionnés aux victimes soient réparés.

Et nous restons naturellement à la complète disposition de tous les autres collègues qui souhaiteraient faire appel à notre assistance.

Défendre le personnel : c’est notre mission, notre raison d’être et aujourd’hui nous saluons les premiers résultats obtenus.

Néanmoins, beaucoup reste à faire et nous le ferons avec une détermination encore plus grande.

Cristiano SEBASTIANI,

(Signé)

Président

CC.

M. Jahier, Président du CESE

M. Krawczyk, Président du groupe I au CESE

Mme Angelova, Groupe I, Vice-Présidente du CESE, responsable de la CAF, Commission des affaires budgétaires

Mmes et MM les Membres du CESE

M. Sassoli, Président du PE

Mme Hohlmeier, Présidente et Mmes et MM les Vice-présidents et Membres de la Commission de Contrôle budgétaire du Parlement européen

Mme O’Reilly, Médiatrice européenne

M. Itälä, Directeur général de l’OLAF

Mme Nicolaie, Directeur IDOC

Personnel des Institutions