Bruxelles, le 7 juillet 2020

Note à l’attention de M. Gianluca Brunetti

Secrétaire général du Comité Economique et Social Européen

Objet : Harcèlement au Comité économique et social européen : le Ministère public belge saisit la Cour criminelle de Bruxelles
Réf : Ma note du 17 juin 2020 ( /fr/2020/06/decision-du-10-juin-dernier-du-bureau-du-cese-concernant-les-cas-averes-de-harcèlement/)
  Ma note du 15 mai 2020 (/fr/2020/05/harcelement-au-cese-rd-la-denonce-lolaf-la-confirme-le-pe-refuse-la-decharge-2018-au-cese-du-jamais-vu/)
  Ma note du 3 mars 2020 (/fr/2020/03/cese-refus-de-la-commission-de-controle-budgetaire-du-pe-cont/)
  Ma note du 11 février 2020 (/fr/2020/02/cas-de-harcelement-au-cese/)
  Ma note du 28 janvier 2020 : (www.renouveau-democratie.eu/fr/2020/01/rapport-de-lolaf-constatant-plusieurs-cas-averes-de-harcelement-moral-au-comite-economique-et-social-cese/ )
  Ma note du 13 mai 2019  (/fr/2019/05/nouvel-organigramme-du-cese-note-a-lattention-de-m-luca-jahier/ )
  Ma note du 12 avril  2019  (/fr/2019/04/note-a-lattention-de-m-luca-jahier/ )
  Ma note du 12 février 2019  ( /fr/2019/02/note-a-lattention-de-mm-jahier-et-brunetti-harcelement-au-cese/ )
  Ma note du 17 décembre 2018 (/fr/2018/12/note-a-lattention-de-m-brunetti-gestion-des-cas-de-harcelement-au-sein-du-cese/ )
  Ma note du 26 novembre 2018 : ( /fr/2018/11/absence-dune-veritable-politique-de-gestion-des-cas-de-harcelement-au-sein-des-institutions/

Avec la saisine du Ministère public belge de la cour criminelle de Bruxelles en date du 04 juin 2020 « l’affaire CESE » franchit une nouvelle étape !

Un nouveau pas a été franchi en ce mois de juin dans le traitement des cas de harcèlement avérés au Comité économique et social européen (CESE) avec la saisine par le Ministère public belge de la cour criminelle de Bruxelles (lien).

Ainsi que R&D l’a relaté dans ses précédentes notes à votre attention, les événements se succèdent.

Le Ministère public belge a fait savoir au CESE, ainsi qu’à la Commission et au Conseil, à leur plus haut niveau, qu’il engageait des poursuites pénales à l’encontre de l’auteur des faits et a demandé la levée de l’immunité de M. Krawczyk.

Il appartiendra au CESE de répondre à cette demande de levée d’immunité 

D’une part, M. Krawczyk bénéficie naturellement de la présomption d’innocence et il a tous les droits, la faculté et les moyens d’assurer sa défense en ayant recours aux arguments qu’il juge opportuns d’invoquer, y compris sur les responsabilités internes au sein du CESE dont il semblerait vouloir maintenant faire état.

D’autre part, R&D prend acte de cette nouvelle étape qui confirme la gravité des faits que nous avions dénoncés et toute l’absence de bien fondé des assurances que vous avez toujours clamées.  Une nouvelle étape est ainsi franchie dans cette affaire où le CESE est déjà confronté à un rapport accablant de l’OLAF et au refus de décharge 2018 du PE.

La réalité, désormais, apparaît ENFIN au grand jour : le silence a bien une fin et, en cela, R&D se réjouit qu’enfin la gravité des faits soit reconnue. Il était temps.

Pour autant, R&D ne se réjouit pas de la situation : combien aura-t-il fallu que le cas soit grave pour en arriver là ?

L’effet didactique et dissuasif de « l’affaire CESE » vis-à-vis de toutes les autres institutions et Agences

Nous sommes convaincus que cette affaire avec ses conséquences tant disciplinaires que judiciaires pour la personne concernée que politiques pour l’institution visée, aura clairement un effet dissuasif, encouragera les victimes à défendre leurs droits, contribuera à mettre fin au climat d’impunité qui a déjà trop duré, à briser la détestable loi du silence et à prévenir les faits de harcèlement et d’autres comportements inappropriés également dans les autres institutions et Agences.

En effet, les enseignements à tirer par « l’affaire CESE » concernant la gestion des cas de harcèlement et autres comportements inappropriés sont très clairs :

· aucune institution ne peut cultiver l’illusion de garder de telles affaires en son sein,

· sur base des plaintes présentées par des victimes dûment assistées et conseillées par des spécialistes de la représentation du personnel comme il a été le cas en l’occurrence pour R&D, les enquêtes peuvent être menées par l’OLAF avec tout le professionnalisme et la rigueur démontrés par ces services et non pas gérées et souvent étouffées avec des enquêtes « maison », menées par des « enquêteurs » tout aussi « maison » ne répondant nullement aux exigences de professionnalisme et d’indépendance, n’offrant pas les garanties qui s’imposent et que la Médiatrice Européenne a si bien rappelées dans sa communication ( Point 30: « For investigations to be effective, investigators need not only to be impartial and fair, but also perceived as such by everyone concerned in the investigation » lire le rapport )

· ces enquêtes peuvent toucher aussi des « puissants » jusque-là considérés « intouchables »,

· sur base des résultats d’une enquête OLAF, le PE peut refuser la décharge à l’institution concernée et

· des poursuites pénales peuvent directement être engagées par le juge national.

Nous attendons encore et toujours vos réponses à nos questions …

Pour autant, R&D attend toujours les réponses aux nombreuses questions (que je vous ai posées depuis des semaines, voire des mois par mes notes citées en référence) et votre silence assourdissant ainsi que celui du Président Jahier restent une question à elle seule.

Et nous rajoutons une nouvelle question…

Nous voulons ajouter aux questions déjà posées, un point supplémentaire.

Par sa décision du 10 juin dernier le bureau du CESE a, entre autres, décidé de :

« demander à M. Jacek Krawczyk, Président du groupe des Employeurs, de  se retirer de toutes ses responsabilités de gestion du personnel »

Pouvons-nous vous demander si cette décision a déjà été mise en œuvre ou si tout au contraire les collègues concernés continuent à être placés sous la responsabilité directe de M. Krawczyk ? 

La procédure judiciaire suivra son cours, mais beaucoup reste encore à clarifier au sein du CESE…

En effet, le moindre doute concernant la gravité des faits dénoncés par R&D ayant été définitivement dissipé, il est maintenant impératif de faire ENFIN toute la lumière sur les défaillances et responsabilités internes au CESE.

En effet, c’est uniquement parce que l’OLAF a rendu un rapport accablant et que le PE a refusé la décharge 2018 qu’enfin le CESE a cessé de donner l’impression de jouer l’avocat pro deo de Krawczyk, a reconnu la gravité des faits dénoncés par R&D et a voté des sanctions à l’égard de l’un de ses membres et pas n’importe lequel puisque celui-ci, membre du CESE depuis 2010, présidait le Groupe des Employeurs depuis 2014 et s’était porté candidat pour la présidence du CESE.

C’est face à l’inaction de l’administration du CESE qui se limitait à décliner sans cesse des slogans vides, à se vanter de prétendues tolérances zéro, en osant même se poser en tant qu’exemple voire pionnier vis-à-vis des autres institutions… qu’il a fallu que les victimes soutenues par R&D saisissent enfin l’OLAF pour voir leurs raisons enfin reconnues.

Les mêmes raisons qu’il leur avait été impossible de faire valoir au sein du CESE.

Bref, c’est parce que nous n’avons pas baissé les bras face à l’injustice et à l’iniquité et que nous avons fait acte de persévérance, ensemble avec les victimes, que les procédures ont pu être enclenchées.

Et cela n’a certainement pas été votre ton inutilement menaçant – que nous regrettons – qui a pu faire fléchir notre détermination.  

Dans ces conditions, au vue de vos responsabilités au sein du CESE, comme Directeur des Ressources Humaines depuis 2010 et Secrétaire Général depuis 2018, nous sommes en droit de vous demander pour l’énième fois d’expliquer comment des faits d’une telle gravité ont pu avoir lieu pendant si longtemps sans que le CESE et son administration aient été capables de les prévenir, de les constater et d’y mettre fin.

En guise d’exemple, le taux de mobilité absolument exceptionnel concernant le personnel affecté auprès du Groupe I au cours des sept dernières années, aurait dû induire l’administration du CESE à intervenir pour investiguer les raisons qui en étaient à la base.

Tout comme il aurait dû être évident que la décision de livrer à des mandatés politiques la responsabilité totale de tous les aspects de la politique du personnel concernant les collègues mis à leur disposition ne pouvait que favoriser de telles dérives. Ceci d’autant plus avec une administration qui aux yeux des collègues semblait avoir été réduite – ou pire se complaisant – dans son rôle de simple cheville ouvrière appelée à exécuter docilement les desiderata de ces mandatés. 

Les réformes profondes demandées par le PE au CESE sont-elles de véritables changements ou  «Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi ? »

Concernant les réformes profondes demandées par le PE, le CESE ne peut pas être le théâtre de la mise en scène d’une pénible parodie du « Guépard ».

Après toutes vos prises de positions et vos assurances concernant le caractère exemplaire des procédures internes en matière de harcèlement, nous imaginons l’embarras d’être à présent obligé de mettre en œuvre les recommandations du PE concernant notamment la réforme profonde de ces mêmes procédures …que les faits ont confirmé être « oh combien irréprochables » comme vous l’avez pourtant toujours prétendu ! 

Force est de rappeler que même après le dépôt du rapport de l’OLAF, vous avez osé continuer à prétendre que le CESE était encore et toujours, « le fer de lance pour ce qui est de promouvoir un environnement de travail respectueux » et qu’il serait uniquement question de « maintenir nos efforts actuels ».

Sans oublier que suite au refus du Parlement européen d’adopter la décharge 2018 au CESE, vous avez expliqué à votre personnel que la crise actuelle était la preuve que le Parlement européen serait le « grand méchant loup » ( sic!) qui veut manger la pauvre brebis, à savoir, le CESE.  

Or, il est essentiel qu’il s’agisse là d’un véritable changement profond à tous les niveaux, à commencer par le fonctionnement de l’administration du CESE et non pas d’un simple effort de maquillage formel pour satisfaire les demandes du PE, encaisser la décharge et puis recommencer comme si de rien n’était.

Bref, il ne pourra pas être question de « Tout changer pour que tout demeure » 1 .

Conclusion

Défendre le personnel : c’est notre mission, notre raison d’être et aujourd’hui nous saluons les résultats obtenus.

Nous continuerons naturellement à suivre ce dossier et à assister les victimes des faits de harcèlement et des comportements inappropriés pour que leurs droits soient enfin reconnus.

Et nous restons naturellement à la complète disposition de tous les autres collègues qui souhaiteraient faire appel à notre assistance.

Beaucoup reste à faire et nous le ferons avec une détermination encore plus grande.

Cristiano Sebastiani,

Président

CC.

M. Jahier, Président du CESE

M. S. Mallia Président f.f. du groupe I au CESE

M. O. Ropke Président du groupe II au CESE

M. A. Metzler Président du groupe III au CESE

Mme Angelova, Groupe I, Vice-Présidente du CESE, responsable de la CAF, Commission des affaires budgétaires

M. Krawczyk,

Mmes et MM les Membres du CESE

M. Sassoli, Président du PE

Mme Hohlmeier, Présidente et Mmes et MM les Vice-présidents et Membres de la Commission de Contrôle budgétaire du Parlement européen

Mme O’Reilly, Médiatrice européenne

M. Itälä, Directeur général de l’OLAF

Mme Nicolaie, Directeur IDOC

Personnel des Institutions

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1 « Tout changer pour que tout demeure ? »,  https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Guépard