Nul ne peut douter que la Commission Barroso restera à tout jamais dans les annales de l’Union Européenne en raison de son manque de respect du code de bonne conduite en matière de transparence et de prévention de conflit d’intérêt des anciens membres du Collège.

Les affaires de la Commission Barroso : une, deux, trois….

En premier lieu, à la suite de son enquête, par sa décision du 30 juin 2016, la Médiatrice européenne avait déjà constaté un cas évident de mauvaise ad­ministration concernant la façon dont la Commission Barroso avait traité la reprise d’une activité professionnelle d’un ancien Commissaire. En effet, l’en­quête avait constaté que la Commission Barroso avait manqué à ses obligations en matière de prévention de conflit d’intérêt de cet ancien Commissaire.

Pour apprécier une nouvelle fois le manque de réactivité de notre institution dans le contexte des dossiers de ce type, il suffit de constater que la Média­trice européenne demeure encore et toujours dans l’attente de votre réponse à sa lettre et elle a déjà dû vous transmettre un nouveau rappel.

En deuxième lieu, nous ne reviendrons pas sur l’affaire Barroso ayant déjà fait l’objet de plusieurs de nos courriers à votre attention (14 septembre;

09 septembre; 04 août; 12 juillet);   d’une pétition « Pas en notre nom » initiée par un collectif de collègues dépassant à ce jour 150.000 signatures, des réac­tions outrées de toute la presse européenne, des prises de position féroces des plus hautes autorités politiques au sein des Etats membres…

En troisième lieu, comme si tout cela ne semblait pas suffisant, la presse européenne vient de dévoiler que l’ancienne Commissaire européenne à la Concurrence Neeli Kroes, chargée à ce titre de surveiller le monde des affaires, a été directrice d’une société aux Bahamas pendant son mandat et ce, au mépris des règles européennes.

D’après les documents en possession du quotidien allemand « Süddeutsche Zeitung » et du « Consortium international des journalistes d’investigation ICIJ », Mme Kroes a été directrice de Mint Holdings Ltd., une entreprise offshore établie aux Bahamas, « du 4 juillet 2000 au 1er octobre 2009 ».

Or, au sein de la Commission Barroso, elle a occupé le poste de Commissaire à la concurrence entre 2004 et 2009 (avant de devenir Vice-présidente de la Commission européenne jusqu’en 2014) alors que le code de conduite de l’Union européenne dispose que « les membres de la Commission ne peuvent exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non« .

Force est de rappeler que les Commissaires européens doivent, au début de leur mandat, non seulement renoncer à toutes leurs fonctions de direction mais aussi notifier dans un registre public toutes celles, ayant donné lieu ou non à un paiement, exercées les dix années précédentes.

Or, Mme Kroes a reconnu auprès de deux journaux qu’elle avait été « officiellement en infraction avec le code de conduite des Commissaires européens ».

Les avocats de l’ancienne Commissaire européenne ont pour leur part déclaré au Guardian que leur cliente était « d’accord qu’officiellement, elle aurait dû déclarer ses fonctions de directrice… Mme Kroes informera le Président de la Commission européenne de cette omission et en assumera la pleine res­ponsabilité », ont-ils communiqué à ce quotidien britannique.

Une porte-parole de la Commission a quant à elle déclaré que l’ex-Commissaire avait désormais informé les autorités européennes de cette affaire. « Nous allons vérifier et analyser cette information avant de prendre une décision », a-t-elle ajouté.

S’il est louable que Mme Kroes ait confirmé  « assumer l’entière responsabilité de ses actes et en accepter les conséquences », il n’en reste pas moins vrai que cette nouvelle affaire ne manquera pas d’amplifier les répercussions politiques des autres affaires susmentionnées causant des dommages importants pour l’image et la crédibilité de notre institution à un moment crucial pour notre avenir.

…une Commission léthargique ….

Dans le contexte actuel et eu égard à la gravité de la crise que le projet européen traverse comme vous l’avez si bien indiqué dans votre discours de l’Union du 14 septembre dernier, il est indispensable que notre institution sorte de cette approche léthargique basée sur des réponses vagues et purement d’attente en donnant l’impression d’agir dans l’espoir toujours vain que les différentes crises s’estompent ou pire encore de vouloir cautionner les erreurs de la Commission Barroso.

Une éthique à double vitesse…

D’une part, cette attitude est d’autant plus inacceptable alors que l’institution fait preuve de toute sa détermination dans la mise en place de mesures vexa­toires d’application pour son personnel comme les OSP l’ont dénoncé dans le cadre de la discussion en cours sur le nouveau projet de code « anti leaks » imposant entre autres au personnel de signer chaque année une déclaration éthique avec une panoplie de règles vagues qui ouvrent la porte à tous les risques de dérapages sans mentionner les enquêtes diligentées de toute urgence par les services de l’IDOC – qui ne sont pas du tout léthargiques lorsque les cas concernent les simple membres du personnel – en cas du moindre soupçon d’infraction. 

Votre Commission doit commencer par donner le bon exemple : il faut commencer par reformer d’urgence le code de bonne conduite pour les membres du Collège…

D’autre part, face à cette succession plus qu’inquiétante de ce type d’affaires, plutôt que de s’atteler à la mise en place  de mesures inutiles, insultantes et disproportionnelles destinées à son personnel, comme tous les acteurs le demandent, il est urgent que l’institution réforme en profondeur le code de bonne conduite d’application pour les membres du Collège qui s’est avéré de toute évidence incapable de prévenir les dérapages. Mais il ne suffit pas de changer les règles, il faut aussi en assurer le respect en sanctionnant les violations.

Face à la crise de crédibilité que traverse le projet européen et qui touche aussi nos institutions, il est primordial de rassurer les citoyens quant au rôle de la Commission, qui est encore et toujours, la garante de l’intérêt général sans se plier aux intérêts et aux pressions des lobbies de toute sorte.

A nouveau, nous formulons l’espoir que sous votre impulsion, notre institution puisse enfin démontrer la détermination ainsi que la capacité de réaction et d’action qui ont manqué jusque-là et que votre personnel et le monde extérieur vous demandent.

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Cristiano SEBASTIANI,

(signé)

Président