Réforme 2014

Le rapport de la Cour des comptes confirme en tout point les analyses critiques que R&D et le Front Com­mun des syndicats ont défendues tout au long de processus d’adoption de la Réforme : 

« Des économies substantielles sur le dos et au détriment du Personnel »

R&D salue le travail d’audit effectué par la Cour des Comptes sur les conséquences de la réforme de 2014 sur le person­nel de la Commission européenne et des autres institutions et souligne la portée des analyses et conclusions qui rejoignent nos prises de position.

La situation est grave et préoccupante. Plus que jamais, il est nécessaire de se mobiliser pour défendre la fonction publique européenne.

R&D demande donc à la nouvelle Commission de prendre en compte la nécessité d’agir sans délai face à un situation cri­tique et délétère.

read

Plus royaliste que le roi !

La réforme de 2014 a engendré des économies substantielles sur le budget européen (4,2 milliards € sur la période 2014-2020) avec la diminution des effectifs de 5 %, le gel des sa­laires et des pensions et la révision du statut. La Cour des Comptes reconnaît que ces économies vont bien au-delà des montants initialement visés et convenus: 55% d’économies excédentaires à ce qui était « exigé par les Etats Membres! A terme, elles vont encore s’accroître considérablement en raison du recul de l’âge de départ à la retraite, de la structure et du blocage des carrières chez les administrateurs et du péril qui pèse sur notre régime de pension.

A l’époque, malgré ses engagements, la Commission s’est avérée incapable à contenir les velléités des Etats membres d’aller au-delà de ses propositions de réforme et, au cours des négociations, sous le prétexte de faire toujours plus d’économies, les surenchères sur le dos du personnel ont été de mises.

La vacuité des promesses de la Commission concernant la défense de sa proposition…

Comme déjà pour l’encore plus désastreuse Réforme 2004, le Rapport de la Cour des Comptes démontre une nouvelle fois la vacuité des promesses de la Commission de maitriser la procédure d’adoption des modifications statutaires par le biais d’une proposition « crédible et limitée » qu’elle s’engagerait de manière solennelle à défendre devant le Conseil et le PE afin qu’elle ne soit pas trafiquée et aggravée, voire de la retirer si elle était dénaturée ! 

Que l’on ne s’y trompe pas : les « Réformettes » et autres « Réformes chirurgicales » n’existent pas!

Les résultats des deux dernières Réformes démontrent que la Commission n’a ni la volonté effective ni la capacité politique de maîtriser le processus d’adoption d’une ré­forme statutaire. Et sa proposition en sort systématiquement détournée et aggravée par des Etats Membres toujours plus gourmands en économies, surtout lorsque celles-ci peuvent se faire sur le dos des agents des institutions, toutes catégories confondues qu’ils stigmatisent autant qu’ils les envient !

Ceci est confirmé par les réponses de la Commission publiées dans le rapport susmentionné. En effet , à cette occasion la Commission avoue ne pas pouvoir produire une analyse d’impact préalable à la présentation d’une proposition de modification du statut et de n’avoir aucune maitrise de la procédure d’adoption de la Reforme en confir­mant qu’elle entièrement dans les mains des co-législateurs.

Dans ces conditions, R&D espère que dorénavant tout un chacun aura enfin compris qu’il est totalement irresponsable de se livrer à des propositions de « Réformette » visant des modi­fications « chirurgicales et maîtrisées » de notre statut et limitées aux seuls aspects qui seraient couverts par la proposition. C’est tendre le bâton pour se faire battre

La négociation notamment avec le Conseil ressemble beaucoup plus à une « boucherie sociale » qu’à une chambre opératoire robotisée de microchirurgie !

En effet, comme confirmé par la jurisprudence une fois qu’une proposition de Réforme est présentée, la Commission perd dans les faits la maîtrise du processus; les Co-législateurs ne sont nullement limités par la proposition initiale et peuvent la modifier avec la gourmandise qu’on leur connaît.

En particulier, une fois que la Commission a présenté sa proposition, notre statut est dans les mains des Co-législateurs qui sont juridiquement libres de :

            non seulement aggraver la proposition sur tous les aspects qui y sont figurent,

            mais aussi y ajouter autant de volets que bon leur semble qui, comme en 2014, n’avaient nullement été abordés dans la proposition initiale,

         voire même inclure des mesures qui avaient été expressément exclues par la Commission qui avait fourni une motivation détaillée pour justifier leur non inclu­sion dans la  proposition initialement présentée.  

En un mot lorsque la Commission décide d’ouvrir le statut pour des réformettes elle sait parfaitement qu’elle met le doigt dans un engrenage infernal dont il est certain qu’il dévorera le doigt, la main et tout le bras… du personnel!

Des conséquences désastreuses

Comme la Cour des Comptes le confirme, la vision à court terme des Etats membres lors de la négociation de la réforme de 2014 s’avère désastreuse quant à ses conséquences :

            vieillissement des effectifs (l’âge moyen du personnel est de 48 ans et augmente de 6 mois chaque année),

            réduction à la portion congrue des possibilités de recrutement et donc du renouvellement générationnel (nombre de recrutements divisé par 2 entre 2013 et 2017),

            précarité des emplois avec un recours massif et accru aux agents contractuels et répercussion à long terme sur la mémoire institutionnelle et la continuité des activités.

           conditions d’emploi de plus en plus défavorables, avec à la clef le « burnout » mais aussi le « bore-out »

            diminution nette et continue du pouvoir d’achat depuis 2003 alors que d’autres fonctions publiques nationales ont vu leur pouvoir d’achat corrigé à la hausse, qui se mesure à l’absence désormais de certaines nationalités aux concours EPSO

           accroissement de la durée et de la charge de travail,

           réduction des congés, en particulier dans les Délégations de l’Union Européenne,

           blocage des carrières, perspectives de promotion compromises, …

Le résultat final : la perte d’attractivité de notre fonction publique !

Tout cela comme la Commission le reconnaît tardivement dans sa communication «  Shaping the Future of Europe: Attracting, Retaining and Developing the Best Talents to Work in the European Public Administration » ( lire )  a eu pour effet de réduire l’attractivité de l’Union européenne en tant qu’employeur alors que celle-ci peine déjà à attirer des effectifs suffi­sants en provenance d’un certain nombre d’Etats membres. Il en découle ainsi des déséquilibres géographiques durables et importants.  A cet effet, l’Alliance, dont R&D est membre, avait soutenu cette initiative  de restaurer l’attractivité de la fonction publique européenne tout en émettant des réserves et en proposant des solutions ( lire ).

De plus, l’augmentation de la pression de travail au quotidien a engendré des problèmes spécifiques pouvant mener à des burn-out ainsi qu’à des situations de harcèlement. La Cour des Comptes constate aussi des absences maladies de plus en plus nombreuses.

Sans parler non plus de l’âge de départ à la retraite, fixé à 66 ans, qui est parmi les plus élevés dans l’UE.

Comme la Cour des Comptes le confirme, la Commission est de moins en moins perçue comme une organisation qui se soucie du bien-être de son person­nel !

Et qu’en est-il de la satisfaction du personnel ? La Cour des Comptes reconnaît que la Commission est de moins en moins perçue comme une organisation qui se soucie du bien-être de son personnel et que des inquiétudes croissantes se font jour quant à la charge de travail.

Trop axée sur la comptabilité à la petite semaine et les aspects financiers, la Commission se refuse à déceler et à corriger les effets négatifs des réformes successives qu’elle a induite avec une fausse naïveté politique.

La politisation croissante de la fonction publique

Alors que la Commission est la gardienne de notre statut, elle semble pourtant vouloir de plus affaiblir les principes qui en sont à la base. Ainsi, elle l’instrumentalise en faveur de sa poli­tisation croissante, notamment en matière de recrutement et de nomination, et ceci notamment à l’avantage des membres des cabinets en suscitant les critiques des collègues, des or­ganes de contrôle, des autres institutions, de la presse et des citoyens.

Il est temps d’ouvrir les yeux

R&D maintient ses positions! R&D a dénoncé les situations criantes d’insatisfaction et de problèmes récurrents (enquêtes du personnel, situation alarmante dans des agences…), lutte contre le harcèlement qui n’est absolument pas reconnu dans l’Institution (quasiment aucun cas décelé et puni par l’Administration !), absence de prise en compte de l’avis du personnel dans le choix de nombreux directeurs généraux d’imposer des open space (sauf pour eux évidemment)….

Tout ceci suscite une crise de confiance à laquelle il faut absolument mettre fin par des actes concrets et visibles et non par des slogans vides en défendant l’indéfendable.

Autant de dossiers sur la table qui nécessitent urgemment une nouvelle approche. Ce sera l’action que R&D, fort de ce rapport de la Cour des Comptes, chiffres à l’appui, entreprendra avec la nouvelle Commission.  Qu’elle le veuille ou non.

Cristiano Sebastiani,

Président