Bruxelles, le 7 mars 2017
Note à l’attention de Monsieur Jean-Claude Juncker
Président de la Commission européenne
Objet: Affaire Barroso – Décision du 24 février 2017 de la Médiatrice européenne d’ouvrir une enquête en invitant la Commission à répondre à la lettre du 16 octobre dernier du collectif des membres du personnel à l’origine de la pétition « Pas en notre nom » et à vérifier la gestion de ce cas de pantouflage par notre institution
Réf. : Dossier Barroso (cf. Dossier novembre 2016)
Nos notes concernant l’affaire Barroso
Note à votre attention Affaire Barroso – 09 septembre 2016
Note aux membres du Collège – 12 juillet 2016
Lettre ouverte à M. Barroso – 12 juillet 2016
La décision de la Médiatrice européenne reprise en objet (Complaint 194/2017/EA), n’est que la dernière étape en date d’un processus que notre institution a géré d’une manière absolument insatisfaisante en mettant en cause tant sa crédibilité que la confiance de son personnel.
C’est avec tristesse que nous avons pris acte que la Médiatrice européenne a dû intervenir en vous invitant à répondre avant le 31 mars prochain à la demande émanant de nos collègues que vous avez reçue il y a déjà 5 mois.
Nous vous invitons, à notre tour, à ne pas vous limiter à répondre à leur lettre mais à rencontrer les représentants du collectif des collègues à la base de la pétition « Pas en notre nom«
En effet, il est désolant de devoir constater que vous n’avez toujours pas trouvé le temps de recevoir une délégation de ce collectif alors que, par exemple, lors du dépôt de la pétition, le Président Schulz lui avait réservé un accueil très chaleureux et une écoute très attentive.
Il s’agit pourtant de milliers de membres de votre personnel qui ont fait appel à votre sensibilité en vous manifestant leur confiance.
Les recevoir, c’est la meilleure démonstration du respect, de l’admiration et de la reconnaissance pour son dévouement sans faille que vous confirmez à chaque occasion à votre personnel, comme vous venez de le faire en dernier lieu lors de la présentation de votre Livre Blanc concernant l’avenir de l’Union européenne.
Rappel des faits
Dès le déclenchement de l’affaire Barroso et Kroes, tout en soutenant avec conviction les prises de position très claires de la Médiatrice européenne, R&D a attiré toute votre attention sur le besoin urgent et l’obligation d’assurer une gestion rapide, efficace et rigoureuse de ces dossiers qui ont suscité des réactions plus que virulentes et qui ont profondément mis en cause la crédibilité de notre institution (cf. dossier Barroso-Kroes).
Parallèlement, et dans le plus grand respect de l’autonomie du collectif des collègues qui en sont à l’origine, R&D a immédiatement soutenu la pétition « Pas en notre nom » qui a recueilli plus de 153.000 signatures en faveur d’une action de la Commission devant la Cour de justice de l’UE à l’encontre de M. Barroso.
Nous avons regretté l’attitude léthargique de notre institution qui a donné l’impression de cultiver l’illusion – tant par son inaction que par ses réactions, de toute évidence inadéquates – que ces affaires s’estomperaient et ceci malgré toutes les sollicitations du personnel et de leurs représentants ainsi que les réactions politiques au sein de tous les Etats membres.
Par la suite, nous nous sommes réjouis des premières réactions et actions mises en œuvre. Néanmoins, elles demeurent inadéquates, insuffisantes et incomplètes pour faire face à la gravité de la crise de crédibilité qui a atteint notre institution.
Cette attitude n’a pas manqué d’exacerber les réactions des citoyens, de votre personnel, de la presse et de provoquer des prises de position de plus en plus fermes et critiques du Parlement européen.
Concernant le caractère insuffisant des procédures en vigueur pour éviter les conflits d’intérêt des membres et anciens membres de la Commission
Il est, malgré tout, appréciable qu’après avoir prétendu à l’exemplarité de son caractère, sous votre impulsion, le collège ait enfin décidé de réformer le code de bonne conduite applicable aux membres et anciens membres de la Commission.
Néanmoins, comme tous les observateurs l’indiquent et comme le confirme le Parlement européen par sa résolution adoptée à une très écrasante majorité le 1er décembre dernier (2016/2080(INI)), les procédures en vigueur concernant la gestion des conflits d’intérêts des membres et anciens membres de la Commission demeurent largement insuffisantes pour permettre à la Commission de gérer de telles affaires qui ont un effet dévastateur sur la crédibilité de notre institution et du projet européen. Ceci concerne avant tout le rôle du comité d’éthique ad hoc.
La gestion décevante de ces affaires
Mais, c’est dans la prise de décisions concernant ces affaires que l’attitude de notre institution a été plus que décevante.
Affaire Kroes
D’une part, concernant l’affaire Kroes nous avons déjà dû constater le caractère risible des arguments que Mme Kroes a invoqué pour justifier les faits qui lui étaient reprochés et le caractère peu crédible des décisions de la Commission adoptées en catimini le 21 décembre dernier, en l’occurrence. Il suffit de rappeler les propos de l’eurodéputé Pascal Durand, rapporteur du texte adopté par le Parlement européen le 1er décembre 2016 sur les déclarations d’intérêts des membres de la Commission (2016/2080 (INI) ainsi que de la motion adoptée par le PE concernant le gel des indemnités… (cf. Résolution du PE du 26 octobre 2016… point 69 2016/2047 (BUDG)) sur la décision de de la Commission : « C’est vraiment un scandale, un foutage de gueule! », en dénonçant que les commissaires « ne se rendent pas compte à quel point ils sont en train de détériorer l’image de l’Europe » (cf. article de l’AFP—UE: après Barroso, la transparence à l’épreuve du cas Kroes 4°paragraphe).
De nouveau, il est inutile de dénoncer cette éthique à double vitesse : l’indulgence sans limite réservée à l’égard de Mme Kroes n’est en aucun cas comparable aux sanctions qui seraient rendues par l’AIPN -pour des faits similaires- à un quelconque membre du personnel.
Sans oublier que le personnel ne profite pas de la bienveillance sans limites du comité d’éthique ad hoc. Dès le premier soupçon de violation des règles en vigueur, il est soumis à de lourdes et pénibles enquêtes diligentées par l’OLAF et/ou par l’IDOC.
Affaire Barroso
D’autre part, nous avons dû constater que l’avis du 28 octobre dernier rendu par le comité d’éthique ad hoc sur l’affaire Barroso, digne de Ponce Pilate, a été absolument inadéquat par rapport à la gravité des conséquences pour la crédibilité de notre institution (Ethique et intégrité des commissaires européens ). Notre analyse avait d’ailleurs été confortée par l’avis tout aussi critique de la Médiatrice européenne ( Ombudsman reacts to opinion of Ethical Committee on Barroso )
Le comité d’éthique ad hoc se limitant à émettre un avis, nous vous avions sollicité afin que notre institution adopte une décision claire concernant cette affaire. Or, après plusieurs mois, nous sommes toujours dans l’attente de cette décision pour laquelle nous avions sollicité votre intervention afin que celle-ci soit adoptée pour faire toute la clarté sur la situation.
Cette même demande vous a été adressée en dernier lieu le 16 octobre dernier par le collectif à la base de la pétition « Pas en notre nom ».
Face au manque de réponse de la Commission, le 24 février dernier, la Médiatrice européenne a décidé :
1) d’ouvrir une enquête formelle concernant la manière dont notre institution a géré le pantouflage de notre ancien président Barroso (Complaint 194/2017/EA):
Dans la motivation à l’appui de sa décision, la Médiatrice européenne confirme toutes les critiques que nous avions émises concernant la gestion du dossier, notamment sur l’absence d’une véritable enquête de la part du comité d’éthique ad hoc:
« Je m’attendais à une enquête bien plus approfondie. Il n’y a aucune preuve qu’ils aient entendu qui que ce soit, qu’ils aient demandé à voir le contrat de Barroso chez Goldman Sachs ou qu’ils aient enquêté sur l’étendue des tâches qui lui seront confiées ».
La Médiatrice européenne annonce donc qu’elle va se pencher sur le fonctionnement du comité d’éthique ad hoc et qu’à cet effet ses services vont mener une inspection auprès de la Commission concernant le dossier Barroso mais aussi les autres quatre derniers dossiers ayant donné lieu à un avis de la part dudit comité.
2) de vous inviter à répondre avant le 31 mars prochain à la demande du collectif du personnel, du 16 octobre dernier, à la base de la pétition « Pas en notre nom »
Nous vous invitons à ne pas vous limiter, seulement, à répondre à leur lettre mais aussi à rencontrer sans plus tarder les représentants de ce collectif, à écouter leurs demandes et à répondre à leurs questions et interrogations.
Il n’est pas trop tard!
Il serait vraiment triste que le dialogue entre notre Président et son personnel passe par un échange bureaucratique de lettres et qu’il ait même besoin de l’intervention de la Médiatrice européenne dont nous tenons à remercier, encore une fois, pour toutes les démarches qu’elle a mises en œuvre depuis le début de ces affaires.
Cristiano SEBASTIANI,
Président
Copies: Mmes et MM les membres du Collège
Mme E. O’ REILLY, Médiatrice européenne
M. Pascal Durant Membre du PE
Le personnel de la Commission