Le Traité de Lisbonne prévoit la création d’un Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Ce service est sous la responsabilité du Haut Représentant et Vice président de la Commission. Cette évolution offre la perspective d’une politique extérieure européenne plus cohérente et intégrée mais pose d’importantes questions politiques et pratiques.
NOUVEAU SERVICE EXTERIEUR DE L’UE: LES ENJEUX
Le Traité de Lisbonne prévoit la création d’un Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Ce service est sous la responsabilité du Haut Représentant et Vice président de la Commission. Cette évolution offre la perspective d’une politique extérieure européenne plus cohérente et intégrée mais pose d’importantes questions politiques et pratiques. En particulier, le nouvel équilibre entre la méthode communautaire et intergouvernementale est à définir et ceci représente un risque majeur d’une dilution rapide des pratiques et intérêts communautaires dans les intérêts nationaux. Les conséquences directes pour le personnel sont potentiellement énormes et l’extension du risque de dérive à d’autres politiques n’est pas à exclure. L’enjeu est ainsi fondamental.
Un des premiers signes politiques donnés par Mme Ashton en tant que Vice Présidente et Haute Représentante a été de choisir le Berlaymont pour y installer son bureau. C’était signifier à la fois sa place en tant que membre du Collège et l’option prise en faveur de la méthode communautaire pour relever un des grands défis de l’intégration européenne: une diplomatie européenne. Ce signe, positif en soi, à condition qu’il soit maintenu, ne suffit pas pour obtenir l’adhésion du personnel au sujet du SEAE.
La mise en place du SEAE concerne tous les personnels des institutions européennes attachées à l’indépendance de la fonction publique européenne. Ce qui est en jeu c’est à la fois la place de la Commission dans la nouvelle architecture institutionnelle et la réussite du nouveau service extérieur qui dépendent de la bonne articulation entre les actions relevant de la méthode communautaire et celles qui pour l’instant relèvent d’une méthode intergouvernementale. Nous jugerons du projet du SEAE, que la Commission aura à approuver avant sa présentation, en fonction de la réponse apportée à 5 enjeux.
Sauvegarder notre institution et l’approche communautaire
Notre revendication syndicale et citoyenne, mais aussi la revendication politique du Parlement européen, est claire: le service extérieur en charge de la PESC et de la PESD doit se situer dans le giron de la Commission et travailler étroitement avec ses autres services en charge de l’action extérieure communautaire de l’Union. Cela permet un contrôle démocratique du budget du Service extérieur par le Parlement Européen. Il est donc naturel que le SEAE soit un service sui generis dans la structure de la Commission.
Dans tous les cas, la Commission devra garder en son sein la coordination des actions extérieures conduites par elle au titre des politiques communautaires et fournir au SEAE le soutien opérationnel des services de support (OIB, PMO,EPSO, Ecole d’administration etc..). Ainsi, toute la gestion administrative et financière des personnels et des bureaux doit rester dans les compétences de la Commission.
Pour nous, la Commission doit absolument garder une maîtrise de l’exercice et maintenir son influence sur la conduite, confirmée par le nouveau traité, des aspects importants de la politique extérieure de l’Union afin d’éviter que celle-ci ne soit bien moins efficace, comme la méthode intergouvernementale ne cesse de nous le rappeler depuis 50 ans de construction européenne. Nous nous opposons aux Etats membres qui avouent avoir pour objectif de faire sortir l’action extérieure de la compétence et de la gestion de la Commission. Le message est clair: la leçon de l’échec de Copenhague n’a pas été tirée, puisque la priorité reste pour eux le détricotage intergouvernemental.
La place faite à la culture communautaire de l’intérêt commun
L’action extérieure européenne doit assurer cohérence et efficacité. Ceci ne peut être effectué qu’en partant du «vivier» qui s’est constitué au sein de la Commission au fil des années, la culture politique administrative et financière de la méthode communautaire, y compris au niveau linguistique.
L’objectif du Service européen pour l’action extérieure ne peut pas être de se limiter à coordonner les politiques extérieures «nationales» sans véritables contenus et apport européens. Pour réussir le SEAE, nous devons donc partir des acquis des politiques communautaires externes et de la méthode politique et administrative qui a permis leur réalisation.
Nous demandons à notre institution et à Mme Ashton, vice-présidente de la Commission autant que Haute Représentante, de donner une place centrale aux fonctionnaires et autres agents européens dans les phases de configuration et de développement du Service Extérieur. Le personnel des Institutions Européennes est «indépendant» et habilité à promouvoir l’intérêt européen, l’intérêt de l’ensemble des citoyens et peuples européens. L’objectif de la création du service extérieur (SEAE) est d’assister le HR-VP dans l’accomplissement de ses mandats, fonctions et missions, et donner plus de visibilité et surtout de cohérence à l’action extérieure européenne de l’Union, communautaire et intergouvernementale.
Un SEAE à budget constant?
La Commission a annoncé que les postes transférés vers le SEAE seront rendus disponibles avec les départs à la retraite, les retours au siège, les postes vacants. Nous sommes d’avis que de nouveaux postes doivent être créés et autorisés par l’autorité budgétaire car les ressources humaines des Délégations et de la famille RELEX sont largement surexploitées et insuffisantes en nombre pour remplir les nouvelles.
Naturellement, les nouvelles Délégations de l’UE devront pouvoir accueillir les membres du SEAE chargés de développer les nouveaux axes de la politique étrangère de l’UE. Les Chefs de Délégations doivent cependant continuer à recevoir la délégation directe du Collège pour les politiques qui restent de la compétence de la Commission, être assistés d’un numéro 2 à cet effet, et donc continuer à être responsables de la mise en œuvre politique et financière des programmes, des politiques et des instruments de l’Action Extérieure de l’Union. Les Chefs de Délégation doivent continuer donc à se charger de la gestion et être redevables devant les instances de contrôle (PE, Cour des Comptes, OLAF).
Les améliorations pour le personnel
La mise en place du futur SEAE doit fournir l’occasion de préserver mais aussi d’améliorer la situation du personnel, à Bruxelles et en Délégation, en commençant par les collègues qui ont le plus des problèmes – agents locaux et contractuels – mais aussi les fonctionnaires dont les conditions d’accueil, de mobilité, de formation, de retour au siège, de carrière doivent aussi non seulement être préservées mais aussi améliorées.
La création du SEAE doit réaliser les avancées qui sont nécessaires, sans modifier forcément le statut de la fonction publique européenne, afin d’éviter la remise en cause du statut unique de la fonction publique européenne.
Quelle qualité du dialogue social?
Il y aura, il doit y avoir « dialogue social » car le nouveau service extérieur ne pourra pas voir le jour sans l’élaboration de nouvelles règles et l’amélioration de la situation des personnels concernés, sans une modification du règlement financier et un budget rectificatif, en concertation et dialogue avec les représentants du personnel à Bruxelles et en Délégation. Si modification du statut il y aura, son étendue n’est pas encore connue mais il est clair que les syndicats demanderont l’insertion d’un certain nombre de clauses visant à protéger la méthode communautaire et les intérêts du personnel: les deux sont indissociablement liés.