Bruxelles, le 12 avril 2019

 

Note à l’attention de M. Luca Jahier

Président du CESE

 

Objet :    Votre note à mon attention en date du 19 mars 2019

Réf :       Nos notes des 26 novembre 2018, 17 décembre 2018, 12 février 2019 et 14 mars 2019.

Rapport de la Médiatrice européenne proposant de nouvelles mesures contre le harcèlement dans les institutions de l’UE

 

Votre note à notre attention du 19 mars dernier

Compte tenu de l’ampleur des critiques qui ont été adressées au CESE concernant la gestion des cas de harcèlement, émanant aussi d’autres institutions et également de la presse, je peux parfaitement comprendre le ton quelque peu émotionnel et par moment presque caricatural de votre réponse.

Néanmoins, qu’il nous soit permis de noter que nous n’avons nullement accusé et encore moins de manière « brutale » les membres du Comité. D’ailleurs plusieurs d’entre eux ont tenu à nous faire savoir qu’ils comprenaient et soutenaient nos démarches en soulignant qu’il est avant tout dans leur intérêt que la gestion de tout cas de harcèlement soit menée de manière irréprochable.

Tout au contraire, nous avons mis en exergue le caractère absolument inadéquat de la gestion de ces cas telle qu’actuellement assurée par le CESE .  

Par votre note, vous tenez à me faire part de votre surprise concernant nos demandes sans pour autant nullement y répondre en me confirmant que toutes les mesures que nous avions demandées seraient déjà en place au sein du Comité.

Un Code de bonne conduite à « l’eau de rose »

Ainsi, je suis au regret de constater que plutôt que répondre aux questions ponctuelles et très claires posées, vous vous limitez à confirmer que le CESE a enfin adopté son Code de bonne conduite, ce que nous savions déjà et ce qui aurait dû être fait depuis bien longtemps compte tenu des problèmes constatés.

Il ne faut pas oublier que pendant longtemps le CESE a invoqué l’absence de base juridique permettant de punir tout cas de harcèlement dont se serait rendu responsable un membre du Comité. Une telle approche dépourvue de tout fondement juridique a sans nul doute contribué à faire prospérer un climat d’impunité.  

De plus, encore faut-il que le Code de bonne conduite enfin adopté réponde aux exigences minimales mentionnées par la Médiatrice concernant notamment la nécessité de pré­voir des sanctions renforcées.  Tel n’est pas le cas, de toute évidence.

A cet égard, dans notre note du 12 février dernier nous avions attiré l’attention sur les aspects suivants :

« Contrairement au sentiment d’impunité envers les membres du CESE et d’impuissance de l’administration à leur égard qui semble s’être développé au sein de votre institution, comme la Médiatrice le souligne, les sanctions envers les personnes disposant d’un mandat politique doivent refléter la gravité des comportements ina­déquats à des niveaux élevés et se traduire par des mesures disciplinaires renforcées et ayant une réelle portée et mettant la personne incriminée hors d’état de nuire à nouveau.

Personnel de Haut rang – Les individus sont particulièrement vulnérables au harcèlement en cas de déséquilibre de pouvoir entre les parties concernées. Ceci peut être atténué par des règles plus strictes pour le personnel de Haut rang qui ne dépend pas du Statut, comme les Commissaires, les juges, les membres de la Cour des Comptes, les membres du Comité économique et social, etc. Celles-ci pourraient inclure des mesures disciplinaires aggravées, telles que la retraite anticipée ou la suppression des droits à pension. Le personnel de Haut rang devrait être informé de toutes les règles et politiques anti-harcèlement au début de leurs mandats de manière exhaustive et à intervalles réguliers

(Point 2.5 Rapport de la Médiatrice européenne sur la dignité au travail dans les institutions et agences de l’UE, Points 34, 35, 36 37 des meilleures pra­tiques identi­fiées)

Ainsi, en ce qui concerne la situation au CESE, il ne peut plus être question d’établir des codes de bonne conduite « à l’eau de rose » et le fait qu’un membre d’un groupe politique soit directement concerné ne doit plus être une excuse pour ne pas agir au motif qu’il n’est pas soumis au Statut de la fonction pu­blique euro­péenne ».

Hélas, c’est bien le cas concernant le Code de bonne conduite que le CESE vient d’adopter !

Il ne faut pas une analyse très approfondie pour constater que les « sanctions » prévues dans le code de bonne conduite adopté par le CESE ne sont même pas comparables avec les « mesures disciplinaires aggravées » mentionnées par la Médiatrice alors qu’elle cite notamment « les membres du CESE » parmi les cas où elles devaient être appliquées. 

Bref, comme plusieurs observateurs nous l’ont fait remarquer, le CESE semble se limiter à adopter les mesures minimales qu’il est devenu impossible de continuer à se refuser à mettre en œuvre pour donner l’impression d’avoir agi plutôt que de mettre en place une politique claire et rigoureuse en la matière, telle que demandée par le Parlement euro­péen et la Médiatrice européenne.

En se livrant sans cesse à une chasse aux sorcières à l’égard de toute instance qui oserait critiquer de telles attitudes, en essayant de mettre en cause la légitimité de toute voix critique, le CESE adopte une approche indigne des valeurs que portent les institutions européennes.

Ceci étant, nos demandes n’ayant peut-être pas été comprises, nous nous permettons de rappeler une nouvelle fois ce qui suit.

Rappel des faits

Nous avons entamé nos démarches dans le cadre de nos missions de représentants du personnel et à la suite des demandes d’aide nous ont été adressées par un nombre croissant de collègues du CESE. Ceux-ci nous ont également demandé à avoir accès aux services de nos avocats spécialisés en la matière.

Ainsi, par nos notes citées en référence, nous avions attiré votre attention sur la nécessité et l’urgence de faire toute la lumière sur plusieurs cas potentiels de harcèlement au sein de votre institution.  A cet égard, nous avions notamment rappelé que jusque-là la gestion de ces dossiers par le CESE avait été pour le moins inadéquate et qu’un senti­ment d’impunité semblait s’être instauré, ce qui n’avait pas manqué de provoquer un découragement profond de la part des collègues.

En réponse à nos démarches, M. Brunetti a semblé nier le bien fondé de nos démarches, ou pour le moins banaliser l’ampleur des problèmes éventuels, allant même jusqu’à mettre en cause notre droit de défendre et représenter ces collègues…

Et, dès que plusieurs articles de presse se sont fait écho de ces problèmes, il a semblé mettre en cause aussi la crédibilité de ces organes de presse.

Bref, M. Brunetti n’a cessé de vouloir nous convaincre que tout allait très bien au sein du CESE en nous invitant à aller voir ailleurs… 

Pourtant le Comité de Contrôle budgétaire du Parlement européen avait saisi le CESE sur le même sujet à l’occasion du vote sur la décharge budgétaire (audition du 27 no­vembre 2018) et a acté dans son rapport final aux points 32 et 33 que des changements s’imposaient, et demandait au CESE de prendre les mesures nécessaire pour « qu’une culture de la tolérance zéro en matière de harcèlement s’applique, et que des sanctions vis-à-vis des membres impliqués dans de tels cas soient érigées avec pour délai la prochaine procédure de décharge. »

Nous avons confirmé que cette attitude visant à nier tout ce qui pouvait l’être et à banaliser ce qui ne pouvait plus l’être, n’était pas de nature à répondre à la gravité de la situa­tion et nous avons continué à exiger que toute la clarté soit faite.

Par la suite, ce sont les faits qui ont démontré le bien fondé de nos démarches et l’obligation de faire la lumière sur les difficultés signalées que le CESE avait jusque-là simple­ment niées.

L’ouverture de plusieurs enquêtes OLAF concernant des faits de harcèlement au sein du CESE….

En effet, il nous revient que plusieurs enquêtes seraient menées par l’OLAF, ce qui démontre que des cas portés à la connaissance de ces services ont été pris au sérieux.

L’ouverture de plusieurs enquêtes internes concernant des faits de harcèlement au sein du CESE….

De plus, nous avons appris par la presse ( lien ) que par la suite vous aviez enfin décidé l’ouverture d’enquêtes administratives au sein du CESE.

A cet égard, nous souhaiterions connaître les mesures qui auraient été adoptées pour éviter tout chevauchement entre les enquêtes en cours de la part de l’OLAF et celles ini­tiées au sein du CESE.

De plus, par notre note du 14 mars dernier, nous avions rappelé que ces enquêtes internes au sein du CESE soient organisées de manière crédible.

Contrairement à ce que vous semblez vouloir faire croire, il ne s’agit pas de mettre en cause le choix et l’intégrité des collègues qui en sont chargés mais simple­ment de prendre en compte les meilleurs standards en la matière et les recommandations de la Médiatrice européenne, Mme O’Reilly, en ce qui concerne le traitement des cas de harcèlement (lien).

A nouveau, nous vous demandons de nous faire connaître les mesures ayant été mises en place et susceptibles de :

1)          Assurer l’indépendance des enquêteurs internes du CESE ;

2)         Eviter toute perception de risque de conflit d’intérêt ou de double rôle « de juge et partie », ceci est de toute évidence avant tout dans l’intérêt de M. Bru­netti compte tenu de ses responsabilités antérieures en tant que Directeur RH ;

3)         Prévoir l’engagement de la responsabilité et des sanctions renforcées pour toute personne disposant d’un mandat politique et n’étant pas soumise au sta­­tut, question qui reste de toute évidence ouverte compte tenu du code de bonne conduite adopté in fine ;

4)       Assurer la protection des témoins et des victimes et la réparation des préjudices.

Au refus de dialogue vient de s’ajouter le mépris pour le dialogue social dans le cadre de l’adoption des «lignes directrices pour la prévention de situa­tions de conflit d’intérêts».

Concernant notamment la gestion des cas de conflit d’intérêts et le respect du dialogue social, c’est avec consternation que nous avons pris connaissance de la décision du CESE d’adopter ces lignes directrices.

En effet, cette décision constitue une violation grave du dialogue social puisqu’elle a été adoptée sans épuiser les procédures établies dans l’accord-cadre en vigueur étant don­né que les concertations étaient toujours en cours et que le 31 janvier dernier le Directeur des ressources humaines a tout simplement suspendu la réunion.

Qui plus est, il est regrettable que cette décision ait été adoptée avec un manque total de transparence et qu’elle ait été communiquée furtivement par le truchement d’un simple lien dans un document d’information générale.

L’approche retenue semble une nouvelle fois démontrer toutes les difficultés que le CESE rencontre dans la prise en compte d’un quelconque avis divergeant systé­matiquement perçu comme un crime de lèse-majesté.

Votre réponse du 19 mars dernier à mon attention constitue un nouvel exemple d’une telle attitude. 

Nous vous soumettons une nouvelle fois ces questions toujours en attente de réponse…

Dans ces conditions, nous sommes dans l’obligation de vous poser une nouvelle fois ces mêmes quatre questions mentionnées ci-dessus, auxquelles nous rajoutons une liste de demandes d’explications suite aux derniers développements de cette saga désormais très pénible et fort inquiétante : 

5)          Plusieurs membres nous ont confirmé que, lors de l’Assemblée plénière du Comité des 20 et 21 février 2019, ils avaient demandé que le texte du Règle­ment intérieur et du Code de conduite soient révisés par le service juridique du Comité.

Est-ce qu’une telle révision a été faite ? Le cas échéant, est-il possible de recevoir l’avis du service juridique ?

Dans le cas contraire, comment une telle approche est-elle justifiable ?

6)         Est-il exact que le service juridique du Comité est  destiné à disparaître de l’organigramme et que ses membres seront dispersés dans d’autres services ?

Le cas échéant, quelles en seraient les justifications et pourquoi maintenant ?

7)        Est-il confirmé que le médecin conseil du Comité qui avait été saisi de plusieurs cas va être remplacé et que son poste vient d’être publié ? Pourquoi maintenant ?

8)       Y a-t-il eu des cas de personnes ayant dénoncé des faits de harcèlement et qui, par la suite, auraient été déplacées, voire sanctionnées de fait ou de droit par le Comité ?

Conclusion

En conclusion, nous sommes au regret de constater que les démarches mises en place jusque-là ne sont d’aucune manière susceptibles d’assurer une gestion efficace et cré­dible des cas de harcèlement au sein du CESE.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que réitérer toutes nos questions mentionnées ci-dessus.

Ceci étant, en l’absence des garanties demandées concernant les enquêtes internes diligentées par le CESE, seule la conclusion des enquêtes en cours menées par l’OLAF permettra de disposer d’une analyse véritablement fiable.

 

Cristiano Sebastiani

Président

CC:

Mme E. O’Reilly, Médiatrice européenne

Mme I. Graessle, Présidente de la Commission du Contrôle budgétaire du Parlement européen

Mme Madi Sharma

M. V. Itala, DG OLAF

Personnel des Institutions