S’il est des échanges qui enrichissent de par la clarté et la rigueur des arguments avancés, c’est bien le cas de l’atelier de travail organisé par le Comité de contrôle budgétaire du Parlement européen le 29 octobre et intitulé « Open spaces at the EU Institutions versus traditional work spaces: justification, evolution, evaluation,and results».

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Comme déjà pour son action résolue en matière de lutte contre toute forme de harcèlement, nous tenons à remercier la Commission CONT pour l’organisation de ce séminaire.

En effet, à cette occasion, il a été possible d’assurer enfin une vision d’ensemble des approches des institutions européennes.

Pour R&D, premier syndicat de la fonction publique européenne, il a toujours été essentiel de garantir non seulement l’unicité du statut mais aussi la cohérence des politiques des institutions concernant la protection du bien-être du personnel.

D’une part, nous nous réjouissons d’emblée que lors de ce séminaire il a été possible de mettre en lumière l’isolement et les attitudes déraisonnables des certains Directeurs généraux de notre institution « fanatiques des open space » que R&a toujours dénoncés.

D’autre part, la qualité des intervenants ainsi que la  franchise des débats permettent de mettre en exergue les enseignements suivants …

De manière générale et sans prendre en compte les spécificités de chaque situation qui sont pourtant essentielles, les open space présentent des avantages et des inconvénients qui ne sont pourtant pas équivalents et ne portent nullement sur les mêmes aspects.

Les avantages seraient :

  •  La réduction des coûts par l’augmentation de postes de travail sur une même surface
  •  L’amélioration de la communication et de la collaboration entre collègues, ce qui permettrait le partage des connaissances avec pour but d’augmenter la productivité et l’innovation au sein du service
  •  L’amélioration du travail d’équipe : en espace ouvert, les collègues auraient plus de facilité d’interagir ente eux.

Mais comme l’exprime si bien la philosophe, Hannah Arendt,

« le progrès et la catastrophe sont l’avers et le revers d’une même médaille »

Derrière ces prétendus avantages, il y a aussi des inconvénients incontestables, révélés par de nombreuses études, sur l’impact de ces open space sur le bien-être de nombreux travailleurs et, de ce fait, sur le fonctionnement des services, tels que :

  •  La perte de productivité due au bruit (téléphone, conversation, etc…) de par la difficulté à se concentrer : les experts s’accordent à confirmer que 25 minutes sont nécessaires en moyenne pour se reconcentrer après une interruption, soit une perte de 3 à 5 h par jour;
  •  La température des lieux de travail puisqu’elle ne peut être régulée individuellement, source de mal être pour certains, s’y ajoute une mauvaise qualité de l’air, avec pour conséquences une accumulation de la fatigue et de congés maladies. Ceci est d’autant plus inquiétant lorsqu’il s’agit de la contagion des maladies comme celle que nous vivons actuellement, la COVID19, qui va changer notre façon de travailler ainsi que l’organisation de nos bureaux ;
  •  L’impact négatif sur le bien-être du personnel, mécontent de travailler en open space, ce qui augmente le niveau de stress (déjà présent avec le bruit) ainsi que l’absence de vie privée, le sentiment d’être tout le temps surveillé, la saturation des conversations des autres… À court terme, les personnes subissent une dégradation de certains processus cognitifs comme la mémoire, l’écriture et la lecture. À long terme, l’entreprise supportera des coûts supplémentaires liés aux absences maladies et invalidité. De plus, les experts ont retenu que la personnalisation des espaces de travail donne un sentiment d’identité, ce qui contribue à la diminution du stress. Cette personnalisation est impossible en open space et encore moins en hotdesking.

La pandémie COVID 19 a affecté tous les domaines y compris celui de l’entreprise. Nous sommes face à un changement de paradigme inévitable dans le monde du travail avec l’introduction de nouvelles technologies de l’information et de la communication ainsi qu’une nouvelle organisation des postes de travail.

Une réflexion s’impose mais avant tout faisons le point des expériences des Institutions européennes.

Qu’en pensent les Institutions européennes?

La Cour de justice

européennea mis en place un projet pilote. Les représentants du personnel  se sont fait écho des plaintes des collègues tels que le bruit et le respect de la vie privée. Une étude de satisfaction et d’impact des open space sur les conditions de travail et la qualité de vie au travail a été lancée. Les résultats corroborent les inconvénients factuels listés ci-dessus. De plus, il a été relevé que l’implication du personnel concerné est absolument essentielle dans l’élaboration de son espace de travail.

Les open space mis en place en 2013 ont été transformés à nouveau en bureaux individuels.

La Cour des comptes

 européenne privilégie sa tradition d’efficacité dans un lieu de travail accueillant et attractif tout en prenant en compte le bien-être de son personnel. Sa mission se base sur l’association du travail d’équipe et du travail individuel dans un environnement de travail innovant allié au numérique (absence de papier). En 2016, a été lancé un projet pilote de rénovation d’un étage, pour les équipes de communication et de juristes, basé sur la création de nouveaux espaces collaboratifs fondés sur les activités et besoins des services incluant des coins cuisines, des coins de discussions et des salles silencieuses avec une attention particulière sur la qualité du mobilier. Le concept a été couronné de succès et sera reconduit pour de futurs projets.

L’ensemble du personnel est en bureau individuel tout en disposant d’espaces collaboratifs. Les prochaines rénovations de locaux seront centrées sur les bureaux individuels accompagnés d’espaces collaboratifs gagnés par la suppression des archives du fait de la digitalisation.

Le Parlement européen a également entamé une discussion sur les besoins futurs et priorise une politique environnementale et de sécurité. Il opte pour une politique de flexibilité et propose d’attribuer une surface de plusieurs m2 à chaque direction générale, et ce en fonction de leur effectif et mode de travail. Les directeurs généraux en consultation avec leur personnel définiront l’utilisation de la superficie octroyée. Seront inclus dans chaque nouveau projet des coins cuisines et des points de rencontres collaboratifs. Ceci a déjà été instauré dans certains services grâce à plusieurs consultations du personnel afin de s’assurer de bien répondre à leurs besoins. Le PE bannit le hotdesking.

Au nom de la Commission européenne, le représentant de l’OIB, M. Marc Becquet, a indiqué que  suite aux résultats d’une enquête de satisfaction lancée auprès du personnel, les collègues ont confirmé que les open space sont l’option la moins souhaitable..

Nous ne pouvons que nous réjouir de ce constat qui rejoint les positions que nous avons depuis toujours exprimées !

La Commission européenne semble à présent enfin se centrer sur la diminution des impacts environnementaux en prenant en compte le télétravail, l’appréhension pour les bureaux partagés du fait du Covid19 qui conduisent à s’interroger sur ce qui sera le cadre « normal ».

La Commission confirme qu’elle fait face à un double contexte  : la politique du pacte vert (diminution de l’empreinte carbone) et le développement de meilleurs espaces de travail tout en réfléchissant à de nouvelles méthodes de travail y inclus le recours au TIC.

Avec la pandémie COVID 19, il a été constaté que le télétravail est une option assurant parfaitement la qualité du travail.

Le personnel va certainement vouloir développer ces capacités en matière de télétravail qui aura un impact sur l’organisation du bureau. La réflexion se pose sur l’augmentation de façon convenable, attrayante, d’espaces collaboratifs, de maximum 9 personnes et permettre davantage de réunions hybrides. Ces formules de travail deviendraient le cadre normal et une attention particulière sera portée sur les besoins du personnel pour un télétravail convenable au domicile, le respect du pacte vert, l’abandon progressif des anciens immeubles pour se tourner vers des bâtiments plus performants. La Commission s’est engagée à rendre 50.000m2 d’espace.

D’une part, les contours de cette nouvelle approche ne sont pas du tout clairs et il est à craindre que la Commission veuille poursuivre son opposition idéologique aux bureaux individuels.

D’autre part, force est de constater que nous sommes loin des propos dogmatiques tenus avant le Covid19 et des attitudes déraisonnables soutenues aveuglement par l’OIB lors de projets tels que celui du BRE2 (DG BUDG).

Nous ne pouvons qu’exprimer le vœux qu’il soit possible de mettre fin au véritable Far West où chaque DG prétendait mettre en œuvre sa propre politique en la matière avec la collaboration aveugle et serviable de l’OIB, qui semblait s’être déguisé en département “ventes open space” en se livrant à des présentations absolument caricaturales, en essayant de faire passer les open space pour des hôtels 6 étoiles avec spa et piscine…aux Maldives, à Bali….

Il ne faut pas oublier que seule la détermination de R&D et de toute la représentation du personnel aussi au sein du CPPT ont enfin permis de faire respecter l’avis formel du Service Juridique et soumettre ce projet à la gouvernance centrale établie par la communication de la Commission en matière d’organisation de l’espace de travail.

La même communication de la Commission dont la DG HR avait été jusque-là tellement fière en soulignant notamment l’importance de la gouvernance au niveau central enfin mise en place… la même communication que soudainement semblait être devenue aussi aux yeux de la DG HR un simple recueil de bonnes intentions sans le moindre caractère contraignant.

Un changement d’approche tellement incompréhensible ayant suscité la réaction ferme et unitaire de tous les syndicats de notre institution ( note commune à l’intention de Mme G. Ingestad, DG HR ;  Note à l’attention de Mme U. von der Leyen, Présidente).

C’est avec la plus grande stupéfaction qu’à cette occasion, nous avons cru assister à une triste mise en scène de « La ferme des animaux » où  il y a aurait des Directeurs généraux « plus égaux que les autres » à qui personne ne semble oser pouvoir dire non.

Au même titre que la terre n’est pas plate, la réalité des open space avec son cortège de maux est indéniable

En conclusion du séminaire, les représentants des institutions ont convenu qu’il était nécessaire d’entamer une approche interinstitutionnelle au niveau des réflexions, du partage des études, des expériences et d’inclure également les représentants du personnelR&répond favorablement à cette invitation !

Les intervenants sont arrivés à la même conclusion que R&( cf nos communicationsnotre programmedossier ), à savoir que les open space ne sont pas la solution idéale pour la panacée et à bannir définitivement le hotdesking.

Une flexibilité est certes nécessaire sans jamais oublier que  l’espace de travail a un effet direct sur le personnel touchant sa santé, son bien-être ainsi que sa satisfaction.

Il est essentiel de créer un bon environnement de travail, attrayant apportant une stimulation positive afin que le personnel ait envie d’aller travailler.

Le personnel doit être au cœur de toute politique et doit participer activement au processus de décision qui touche à son espace de travail, son avis doit être pris en compte.

Mais c’est là où le bât blesse…

C’est ce que certains de nos Directeurs généraux refusent fermement en se livrant tout au plus à des simulacres de consultations visant uniquement « à vendre ex post» des décisions déjà adoptées.

À cet égard, le processus de « consultation » concernant l’aménagement du BRE2 est absolument à inscrire parmi les Worst Practices à ne plus jamais répéter.

R&D a toujours défendu une implication réelle du personnel dans toute prise de décision sur la mise en place de son espace de travail, en lançant des enquêtes ciblées auprès du personnel pour chaque DG concernée, ainsi que de ses conditions de travail.

Il ne faut pas oublier que cette négligence dans la prise en compte voire le mépris de l’avis du personnel est reconnu par les experts comme un facteur de risques psychosociaux, qui, à la longue, peuvent engendrer des comportements inappropriés voire de probables cas de harcèlement.

Conclusion

La Commission européenne est à la croisée des chemins avec le contexte actuel. La conception des projets immobiliers en cours tels que l’immeuble « the One » ou Copernicus doivent prendre en compte la nouvelle réalité.

L’organisation des espaces de travail à la Commission européenne ne peut pas être basée sur des anachronismes initiés par un management obsolète, « court termiste » car centré sur les coûts sinon sur l’obsession perverse de contrôler les collègues, sans ouverture vers le « travailler ensemble ».

Enfin, le recours accru au télétravail ne doit pas devenir l’alibi permettant de tout justifier !  

Une lumière d’espoir sera-t-elle allumée en retour au Berlaymont  au travers d’une ligne claire et moderne sur les espaces de travail ? Telle est la question

Cristiano Sebastiani,

Président