Bruxelles, le 9 janvier 2018

 

Note à l’attention de

M. Selmayr, chef de cabinet du Président de la Commission, M. Juncker

M. Italianer, Secrétaire général de la Commission

 

 

Objet:      « Parachutages » de membres de cabinet à la fin du mandat du collège et vos nouvelles déclarations reprises sous le point 7.5 du procès-verbal de la réunion des Chefs de cabinet du 23 novembre 2017.

Réf : Nos notes à votre attention des 6 février, 22 mars, 16 mai et 02 juin 2017

Vos déclarations à l’occasion de la réunion des chefs de cabinet du 30 janvier 2017

 

 

1. Rappel des faits

R&D a toujours combattu les parachutages des membres de cabinets organisés à la fin de chaque mandat de collège et a toujours dénoncé la gravité des conséquences quant à la motivation du personnel et la crédibilité de notre institution ainsi que ses procédures de nomination.

De même, R&D a toujours dénoncé la pratique lamentable de « l’ascenseur », à savoir, la nomination d’un membre de cabinet sur un poste d’encadrement dans une direction générale, suivie d’une réintégration immédiate au sein d’un cabinet.

Sans pour autant contester les mérites de ces collègues, R&D a toujours plaidé pour la mise en place d’instructions claires, interdisant notamment les nominations de membres de cabinet à des postes d’encadrement, au sein de la direction générale relevant de leur même portefeuille.

A cet égard, il est incontestable que la Commission Barroso avait déjà outrepassé les limites (lire notre dossier à ce sujet ).

Nous avions tant espéré que la Commission Juncker ne se livrerait pas à de telles pratiques.

 

2. Une administration réduite à jouer le rôle de simple cheville ouvrière…

A chacune de nos demandes afin de cesser ces dérapages, en dénonçant les effets dévastateurs de ces pratiques, nous avons reçu pour seule réponse des réactions bureaucratiques niant tout problème et nous assurant que toutes les procédures de nomination avaient été mises en œuvre dans la plus grande transparence… Bref que tout allait bien dans le meilleur des mondes!

C’est avec regret que nous avons dû constater que notre administration a été totalement incapable de s’opposer à de telles pratiques ou, pire encore, qu’elle a utilisé ses compétences pour des manœuvres délétères comme ce fut le cas, en 2014, lors de l’organisation de concours internes, au profit des collègues des cabinets, en instrumentalisant les attentes légitimes des collègues post-2004.

 

3. Vos déclarations à l’occasion de la réunion des chefs de cabinet du 30 janvier 2017

Compte tenu de ce qui précède, c’est avec la plus grande satisfaction que nous avions pris acte de vos déclarations lors de la réunion des chefs de cabinet du 30 janvier 2017 (cf. point 7.12).

A cette occasion, vous aviez confirmé que :

Ne seront pas admises :

• les nominations des membres de cabinet à des postes d’encadrement dans la direction générale dépendant de leur portefeuille et placés sous leur supervision directe

• de même que les nominations de membres de cabinet dans une direction générale pour y obtenir une promotion et leur réintégration dans un cabinet aussitôt cette promotion obtenue.

A l’appui de ces mêmes instructions vous aviez indiqué que « ces pratiques sont démotivantes pour le reste du personnel qui n’est pas promu avec la même rapidité que les membres de cabinet« .

En nous réjouissant vivement de votre prise de position, et par notre note du 22 mars 2017, nous vous avions néanmoins fait part du profond scepticisme de nos collègues quant à la portée effective de vos déclarations: qui pourrait croire que les choses allaient réellement changer dans les faits ?

Les premières décisions ont semblé confirmer le bien-fondé de ce scepticisme

Par nos notes des 16 mai et 02 juin 2017, nous avons été au regret de constater que vos instructions ne semblaient pas avoir été prises en compte pour deux nominations dans les cabinets Moscovici et Jourovà.

 

4. Vos nouvelles déclarations (cf. point 7.5) à l’occasion de la réunion des chefs de cabinets du 23 novembre 2017 qui semblent viser à réduire drastiquement la portée et l’effet utile de vos déclarations du 30 janvier 2017

A cette occasion (cfr. point 7.5), tout en déclarant formellement vouloir confirmer vos déclarations du 30 janvier, si votre prise de position est restée très claire et sans nuance contre la pratique de « l’ascenseur », par contre concernant les parachutages vous semblez avoir voulu réduire de manière plus que considérable la portée et l’effet utile de vos instructions du 30 janvier et ce, sur deux aspects pourtant essentiels.

 

4.1 La non application de vos instructions pour les nominations des membres des cabinets du Président et des Vice-Présidents

Vous avez précisé que vos instructions ne concernent pas « les membres des cabinets du président et des vice-présidents étant donné qu’ils n’ont pas la responsabilité directe d’une direction générale mais une responsabilité horizontale de coordination couvrant plusieurs portefeuilles et directions générales ».

Il est évident que votre prise de position n’a pas manqué de susciter de vives réactions de la part des collègues et notamment de plusieurs membres des autres cabinets qui se sont adressés à R&D pour dénoncer la discrimination introduite visant à favoriser certains parachutages par rapport à d’autres.

Il est par ailleurs surprenant que la nature très large des compétences des Vice-présidents soit invoquée pour soustraire les membres de leurs cabinets à vos instructions en matière de parachutages, alors que ceci n’a pas été pris en compte dans la proposition du nouveau code de bonne conduite pour les membres du collège, afin d’apprécier le risque accru de conflit d’intérêt après la fin de leur mandat, en appliquant aux Vice-Présidents le même délai de vacuité de 3 ans qui sera en revanche limité au seul Président.

Comme nous l’avons déjà mentionné, l’application aux Vice-Présidents du même délai de vacuité prévu à présent uniquement pour le Président s’impose aussi pour prendre davantage en compte les prises de position, tant de la Médiatrice européenne que du Parlement européen.

 

4.2 La limitation de vos instructions aux seules procédures de nomination de l’encadrement supérieur

Pis encore, le procès-verbal du 23 novembre 2017 stipule que « en règle générale les membres ne devraient pas être promus à des postes d’encadrement supérieur dans la direction générale placée sous l’autorité directe de leur commissaire de tutelle (cas dénommé de « parachutage ») »

Ceci alors que sur ce même point le procès-verbal du 30 janvier 2017 indique que « Ne seront pas admises les nominations des membres de cabinet à des postes d’encadrement dans la direction générale dépendant de leur portefeuille et placés sous leur supervision directe », ne limitant donc en aucune manière la portée des instructions aux seules nominations à des postes d’encadrement supérieur.

D’une part, le fait que vos instructions du 30 janvier 2017 étaient incontestablement d’application également pour les procédures de nominations aux postes d’encadrement intermédiaire est confirmé par les vives réactions que nous avons reçues des candidats à des postes de ce type, qui nous ont fait part de leur irritation et nous ont vivement reproché d’avoir soutenu et de s’être réjouis de vos prises de positions.

D’autre part, nul ne peut douter que, si par hasard, maintenant, vos instructions en matière de « parachutages » devaient se limiter aux seules nominations à des postes d’encadrement supérieur dans la direction générale de tutelle, à l’exclusion de tous les postes d’encadrement intermédiaire – qui plus est – ceci uniquement pour les seuls membres des cabinets des commissaires, à l’exclusion de ceux du Président et des Vice-présidents, tout le scepticisme avec lequel vos déclarations initiales ont été accueillies s’avèrerait absolument justifié.

5. L’ironie, le sarcasme et… la démotivation accrue du personnel…

A cet égard, il est même inutile de confirmer que, depuis votre déclaration du 23 novembre 2017, nous avons été submergés de réactions ironiques et sarcastiques des collègues nous rappelant nous avoir déjà suggéré de ne pas prendre au sérieux vos engagements du 30 janvier 2017.

 

6. Tout changer pour que rien ne change… voir faire pire ?

Tout en comprenant ces réactions et le désarroi des collègues, nous avons continué à confirmer que nous ne pouvions croire que les plus hautes autorités politiques et administratives de notre institution puissent se livrer à de telles déclarations politiques contre les parachutages, en confirmant les effets néfastes de ces pratiques quant à la motivation de notre personnel. Qu’elles établissent des instructions claires, affirment solennellement s’y engager, assurer le plus grand respect de celles-ci… pour finalement, quelques mois plus tard, revenir sur leurs positions et en limiter drastiquement la portée et ce, tout en confirmant formellement leurs déclarations initiales.

6.1 Plutôt que mettre un frein aux parachutages, il aurait été question de les légaliser

Pour apprécier l’ampleur des effets éventuels d’un tel changement d’approche, il suffit de constater que seuls une dizaine de collègues seraient maintenant potentiellement concernés par les instructions reprises dans vos déclarations du 23 novembre 2017, alors que plusieurs dizaines d’autres membres de cabinets, qui faisaient l’objet de celle du 30 janvier 2017 seraient à présent librement « parachutables ».

Dans ces conditions, le véritable effet utile de toutes vos déclarations aurait été celui de reconnaitre le caractère acceptable de nominations qui jusque-là avaient toujours été considérées – aussi par vous-mêmes en janvier 2017 – comme étant des cas indiscutables de parachutages.

Il est même inutile de souligner les effets néfastes d’une telle approche quant à la démotivation du personnel à laquelle vous avez affirmé vouloir donner une réponse.

 

Conclusion

Compte tenu de ce qui précède, nous vous saurions gré de bien vouloir:

1) revenir sur votre position visant à soustraire les membres du cabinet du Président et des Vice-présidents de l’implication de vos instructions ;

2) clarifier la portée de vos instructions s’appliquant à toutes les nominations à des postes d’encadrement et non uniquement à celles concernant l’encadrement supérieur, comme mentionné dans vos déclarations du 30 janvier 2017.

Afin de pouvoir donner suite aux nombreuses questions qui nous ont été adressées par les collègues, nous attendons impatiemment de pouvoir disposer d’une réponse claire de votre part.