2013.10.18 – ARRET GLANTENAY : le TFP confirme la position de R&D au sujet du Talent screener !

CONFIRMATION DU ROLE CENTRAL DU JURY DANS LES CONCOURS ET ILLEGALITE DU TA­LENT SCREENER LORS DE LA PREMIERE ETAPE DE LA SELECTION DES CANDIDATS

Le Tribunal de la Fonction Publique (TFP) a rendu le 16 septembre 2013 un arrêt (aff. jointes F-23/12 et F-30/12) remettant en cause la méthode de sélection dite du « talent screener », méthode de présélection conçue et d’application pour les concours spéciali­sés EPSO mais aussi utilisée dans les concours internes pour AD de la Commis­sion, en cours. Approche que R&D a d’ailleurs immédiatement contestée (cf Renard Déchaîné concours internes)

Sur base de l’annexe III de notre statut, le TFP confirme le rôle déterminant du jury paritaire dans les concours et sa responsabilité exclusive pour CHAQUE étape de la procédure. Or, Il est reproché ici à la méthode de sélection litigieuse d’être fondée sur le seul nombre de réponses positives données par les candidats à des questions rela­tives à leurs titres et expériences professionnelles, sans avoir prévu un examen con­cret par le jury de la pertinence des titres et expériences professionnelles.

1. Une nouvelle confirmation de la jurisprudence Pachtitis

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence Pachtitis (arrêt de 15.06.2010, confirmé le 14.12.2011) où il est reconnu que le jury doit surveiller et superviser le déroulement de l’intégralité des épreuves du concours, y inclus celles de la phase préliminaire. Les tâches d’EPSO sont essentiellement de caractère organisationnel et ne se confondent d’aucune manière avec celles d’un jury.

Le Tribunal constate ainsi (point 72):

« (…) il ressort de l’article 5, alinéas 1er et 3, de l’annexe III du statut qu’en cas de sélection sur titres, il revient au jury d’examiner si les diplômes et expériences des candidats répondent aux con­ditions fixées par l’avis de concours (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de l’Union euro­péenne du 14 décembre 2011, Commission/Pachtitis, T?361/10 P, point 43, et Commission/ Vicente Carbajosa e.a., T?6/11 P, point 58). Or, la méthode de sélection régissant la première étape attribue uniquement au jury la tâche d’établir la pondération de chaque question, puis celle de comptabiliser le nombre de points obtenus par chaque candidat et, enfin, celle de déterminer, en fonction du nombre de personnes en lice lors de cette première étape ainsi que du nombre de points obtenus par ces derniers, le seuil de points requis pour être admis à la seconde étape de la procédure de sélection sur titres. »

2. Les faits à l’origine de l’arrêt du 16 septembre 2013: le recours à une première étape de sélection fondée sur  » le talent screener »

Le « talent screener » demande aux candidats de répondre à des questions sur leurs diplômes ou expériences pro­fessionnelles. Les questions sont établies par l’AIPN sans l’implication du jury qui par la suite définit une pondéra­tion (de 1 à 3) pour chaque question. Il multiplie ce coefficient pour les seulesréponses positives (si le candidat répond non à la question, aucune indication ultérieure n’est à fournir). Il définit ensuite un seuil de points permet­tant de sélectionner les candidats qui passent à la deuxième étape.

Les candidatures de tous les autres candidats, éliminés dans cette première phase, ne sont même pas exami­nées par le jury.

Lors de la deuxième étape, le jury établit un coefficient compris entre 0 et 4 pour chaque réponse. Il évalue les réponses positives des candidats retenus et à chacune, il attribue un coefficient qui est ensuite multiplié selon la pondération donnée à chacune des questions (de 1 à 3). Il définit ensuite un nouveau seuil global. Sont admis à la phase finale du concours (assessment centre), les seuls candidats ayant atteint ce dernier seuil.

Ainsi, le système est fondé sur l’appréciation que les candidats ont d’eux-mêmes, lesquels peuvent avoir une interprétation excessivement favorable des critères qui leur sont posés ou au contraire, faire une mauvaise appréciation de leurs diplômes ou expériences professionnelles ou encore comprendre erroné­ment les questions1.

Contrairement à ce que certaines interprétations indulgentes laissent croire, le Tribunal qui ne s’est pas contenté de confirmer le rôle du jury, est d’ailleurs parvenu à la même conclusion (point 73) :

« (…) cette méthode de sélection ne prévoit aucun contrôle du jury quant à la pertinence des titres et des qualifications professionnelles détenus par les candidats. Or, une telle méthode implique né­cessairement que lesdits candidats ne sont pas sélectionnés en fonction de la pertinence de leurs diplômes ou de leurs expériences professionnelles, mais selon l’idée que lesdits candidats en ont, ce qui ne constitue pas une donnée suffisamment objective pour que soit garantie la sélection des meilleurs candidats, ni même la cohérence de la sélection opérée. »

Ainsi, le Tribunal déclare cette première phase de sélection illégale (point 71), constatant que l’avis de concours prévoit l’élimination de certains candidats au motif que leurs titres ne seraient pas suffisam­ment pertinents, sans que cette pertinence ne soit effectivement examinée par le jury:

 » (…) la méthode de sélection sur titres employée par l’AIPN dans l’avis de concours lors de la pre­mière étape consistait à demander aux requérants, à l’aide d’un questionnaire, s’ils estimaient satisfaire à un ensemble de conditions relatives à leur formation et leurs expériences profes­sionnelles puis, en fonction des réponses de l’ensemble des candidats, à déterminer un seuil en deçà duquel les candidats qui ne totalisaient pas, après pondération, un nombre suffisant de réponses positives, comptabilisées sous forme de points, étaient éliminés. Ainsi conçue, le Tri­bunal estime qu’une telle méthode est contraire aux dispositions du statut ainsi qu’aux principes généraux régissant les concours. »

C’est mot pour mot ce que R&D et les représentants du personnel ont toujours dénoncé!

En rendant cet arrêt, le juge communautaire entend donc confirmer la jurisprudence Pachtitis selon laquelle le jury, lui seul, détermine la liste des candidats répondant aux conditions de l’avis de concours, procède aux épreuves et établit la liste d’aptitude des candidats.

Avec cet arrêt GLANTENAY, il vient en effet porter un coup d’arrêt à la mise en place de nou­velles méthodes de sélection restreignant abusivement les prérogatives du jury (point 76):

 » (…) Il doit être constaté qu’en prévoyant l’élimination de certains candidats pour le motif que leurs diplômes et expériences professionnelles ne seraient pas suffisamment pertinents sans que cette pertinence soit concrètement examinée par le jury, les dispositions de l’avis de con­cours relatives à la première étape de la procédure de sélection sur titres restreignent abusivement les prérogatives dudit jury et que, par conséquent, elles doivent être consi­dérées comme étant illégales. »

S’agit-il de l’illégalité de la première phase du « talent screener » ou du « talent screener » dans son entièreté?

Le TFP ne répond pas à cette question. A ce stade, limitons nous donc à deux considérations:

1) En supposant qu’il concerne tous les dossiers, comment le jury peut-il procéder à une évaluation comparative et objective des candidats, s’il doit se baser sur des réponses subjectives des candidats eux-mêmes, sans disposer de leurs titres? Comment peut-il ignorer le fait qu’un candidat ait, par mau­vaise compréhension ou par erreur, répondu ‘non’ à une question du « talent screener »?

2) Comment le jury peut-il assurer la sélection des meilleurs candidats, comme l’impose le statut (art. 27), si, dans la deuxième étape, il n’examine qu’une partie des candidatures? Comment peut-il écarter des candidats sans avoir concrètement examiné la pertinence de leurs titres?

Autant de questions posées par R&D auxquelles le Tribunal a peut-être déjà apporté un début de ré­ponse (point 70):

« (…) Il doit être souligné que l’exercice par l’AIPN de ce pouvoir d’appréciation, quel que soit le nombre de personnes susceptibles de faire acte de candidature au concours concerné, trouve nécessairement sa limite dans le respect des dispositions en vigueur ainsi que des principes généraux du droit. Il s’ensuit que la méthode choisie par l’AIPN doit, pre­mièrement, viser au recrutement des personnes ayant les plus hautes qualités de compé­tence et de rendement, conformément à l’article 27 du statut, deuxièmement, conformé­ment à l’article 5 de l’annexe III du statut, réserver à un jury indépendant la tâche d’appré­cier, au cas par cas, si les diplômes produits ou l’expérience professionnelle de chaque candidat correspondent au niveau requis par le statut et par l’avis de concours (arrêt Blackler/Parlement, précité, point 23) et, troisièmement, aboutir à une sélection cohérente et objective des candidats. »

DANS CE CONTEXTE, R&D DEMANDE UN AVIS FORMEL DU SERVICE JURIDIQUE ET CONTINUERA A SUIVRE LES DEVELOPPEMENTS CONCERNANT CET ARRET POUR LES CONCOURS EN COURS ET POUR LES SELECTIONS FUTURES. IL VOUS EN INFORMERA DE MANIERE REGULIERE.

VOUS AVEZ PARTICIPE A UN CONCOURS EPSO, BASE SUR LE TALENT SCREE­NER JUGE ILLEGAL? VOUS ALLEZ ETRE EXCLUS DANS LE CADRE DES CON­COURS INTERNES ? R&D EST A VOTRE DISPOSITION POUR VOUS CONSEILLER ET VOUS SOUTENIR DANS LES DEMARCHES A ENTREPRENDRE.

1 Comme dénoncé à plusieurs reprises par R&D lors de certains des derniers concours, le niveau parfois élevé des seuils pour passer à la deuxième étape, confortent le caractère subjectif des appréciations des candidats et une tendance à répondre, autant que possible, positivement aux questions du talent screener.